Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 10.djvu/1098

Cette page a été validée par deux contributeurs.
1092
REVUE DES DEUX MONDES.

 
Loin des sépultures célèbres,
Vers un cimetière isolé,
Mon cœur, comme un tambour voilé,
Va battant des marches funèbres.

Maint joyau dort enseveli
Dans les ténèbres et l’oubli,
Bien loin des pioches et des sondes ;

Mainte fleur épanche à regret
Son parfum doux comme un secret
Dans des solitudes profondes.


XVII.

LA BÉATRICE.


Toi qui, comme un coup de couteau,
Dans mon cœur plaintif es entrée,
Toi qui, comme un hideux troupeau
De démons, vins, folle et parée,

De mon esprit humilié,
Faire ton lit et ton domaine,
— Infâme à qui je suis lié
Comme le forçat à la chaîne,

Comme au jeu le joueur têtu,
Comme à la bouteille l’ivrogne,
Comme aux vermines la charogne,
— Maudite, maudite sois-tu !

J’ai prié le glaive rapide
De conquérir ma liberté,
Et j’ai dit au poison perfide
De secourir ma lâcheté.

Hélas ! le poison et le glaive
M’ont pris en dédain, et m’ont dit :
« Tu n’es pas digne qu’on t’enlève
À ton esclavage maudit,

Imbécile ! — De son empire
Si nos efforts te délivraient,