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fondamentale, et à discuter une théorie remarquable à plus d’un titre.

Tous les naturalistes qui ont poussé leurs observations jusque-là s’accordent pour reconnaître que l’apparition d’un organe quelconque est précédée par celle d’une matière de consistance quelque peu variable, mais ordinairement comme gélatineuse, transparente, homogène, et ne montrant que peu ou point de traces d’organisation. M. Dujardin a justement donné à cette matière première le nom de sarcode, qui signifie chemin de la chair ou des tissus en général. C’est en effet au sein de cette gangue vivante que se forment les éléments anatomiques du corps, et par suite les organes résultant de leur réunion. Tous les physiologistes, que leurs recherches aient porté sur les mammifères ou sur les derniers invertébrés, s’accordent sur ce point, et alors même qu’ils ne le formulent pas expressément, ce fait ressort de leurs observations.

Mais le sarcode donne-t-il immédiatement naissance aux tissus, ou bien passe-t-il par des transformations intermédiaires? Ici se place une doctrine universellement adoptée depuis quinze ans en Allemagne, et acceptée ailleurs par quelques-uns des plus éminens naturalistes modernes. Nous voulons parler de l’ensemble d’idées que M. Schwann, élève de l’illustre Müller, a emprunté en partie à la botanique et appliqué à la zoologie sous le nom devenu célèbre de théorie cellulaire.

Depuis longtemps, les botanistes s’accordent pour reconnaître dans les végétaux l’existence d’un élément anatomique fondamental, qui, par de simples modifications, donne naissance à tous les tissus, à tous les organes. Cet élément est la cellule, espèce de vessie microscopique formée par une membrane simple ou double, renfermant dans son intérieur un liquide légèrement visqueux et un corpuscule beaucoup plus petit, appelé noyau ou nucleus, portant lui-même un nucléole. Ce sont des cellules, — encore sphériques, parce qu’elles se sont développées à l’aise, ou comme taillées à facettes, parce que leur pression réciproque les a déformées, — qui constituent à elles seules le tissu cellulaire, dont la moelle des végétaux et le liège de certaines espèces fournissent des exemples connus de tous. Ce sont elles aussi qui, allongées en forme de fuseau et encroûtées de ligneux, sont devenues les fibres du bois et de l’écorce, — qui, plus développées encore, vides et soudées bout à bout, se sont transformées en vaisseaux destinés au transport des sucs nourriciers. Les trois tissus, cellulaire, fibreux et vasculaire, forment par leur réunion tous les organes d’un végétal, — racines, tige, branches, feuilles ou fleurs. Par conséquent, le végétal en son