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de Chateauneuf a constaté que le nombre des individus de trente ans qui parviennent à soixante est plus considérable en Angleterre, en France, en Belgique, en Danemark et en Irlande que dans la Savoie et surtout dans le Piémont, la province de Gênes, la Suède et la Prusse. Si l’on étend cette comparaison aux âges plus avancés, les résultats restent les mêmes. Lorsqu’au lieu de l’âge de trente ans on prend pour point de départ l’époque de la naissance, il n’y a de changement qu’en faveur de la Suède, qui passe alors dans la première catégorie.

On manque de renseignemens précis sur les autres états de l’Europe, et à plus forte raison sur les peuples de l’Asie, de l’Afrique et du Nouveau-Monde. On ne peut donc rien conclure de positif d’après des données aussi incomplètes quant à l’influence que le climat exerce sur la durée de la vie. Les pays tempérés ou même froids paraissent cependant être généralement plus favorables à la longévité que les contrées chaudes et surtout équatoriales. Telle est du moins l’opinion la plus répandue aujourd’hui. Aristote pensait le contraire, et naturellement Strabon et Pline ont répété ce qu’avait dit Aristote. Les Égyptiens avaient aux yeux des anciens le privilège des longues vies. Un naturaliste du XVIe siècle, Prosper Alpini, a confirmé jusqu’à un certain point l’assertion d’Aristote, en constatant la grande vigueur dont jouissent les Égyptiens dans un âge avancé, et le savant voyageur auquel nous devons la découverte des ruines de Ninive, M. P.-E. Botta, assure que de l’autre côté de la Mer-Rouge, dans cette portion de l’Arabie qu’on appelle Heureuse, les exemples de longévité ne sont pas rares ; mais ces auteurs n’ont pas donné de chiffres, et nous ignorons ce qu’ils entendent par les mots de longue vie et d’âge avancé. En tout cas, il y a loin de pareils faits à une règle générale établissant, sous le rapport de la durée de la vie, la supériorité des régions chaudes sur les régions froides.

D’autres causes ont sans doute plus de part que l’influence climatérique à l’inégalité de la durée de la vie suivant les diverses contrées, puisque nous voyons des populations très voisines et douées d’un climat presque identique présenter cependant de notables différences dans la mortalité. Cela tient alors au degré de salubrité des campagnes, à l’entassement dans les villes d’un nombre plus ou moins grand d’habitans, au bien-être relatif de la classe ouvrière, aux habitudes de travail ou de mauvaise conduite, au