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inactif. Nous avons vu qu’à l’époque dont il s’agit, ce germe se compose du jaune modifié et enveloppé par la membrane blastodermique, laquelle porte sur un point très circonscrit l’aire germinative et les premiers rudimens de l’embryon. A mesure que ce dernier se caractérise, à mesure que les parois de ses grandes cavités tendent à se former, il s’éloigne peu à peu de la sphère qui le porte, tout en lui restant attaché par une sorte de canal. Au bout d’un certain temps, l’embryon et la vésicule blastodermique ne tiennent plus l’un à l’autre que par une sorte de cordon creux et quelques vaisseaux, à peu près, — qu’on me passe cette comparaison grossière, — comme la boule et le manche d’un bilboquet. Alors la vésicule blastodermique change de nom et s’appelle la vésicule ombilicale. Celle-ci tantôt, comme chez l’homme et les ruminans, ne tarde pas à s’atrophier et à disparaître; tantôt au contraire, chez les carnassiers et les rongeurs par exemple, elle continue à croître et vient à son tour tapisser le chorion sur tous les points que n’a pas envahis l’allantoïde.

Ainsi, chez la hermelle et le taret, l’œuf entier, enveloppe comprise transforme de toutes pièces en un véritable animal. Chez les mammifères, au contraire, un embryon, réduit à quelques élémens dont l’avenir seul révélera la nature, se montre d’abord sur un point à peine perceptible du germe, et tend de plus en plus à s’isoler. Le germe lui-même semble ne contribuer directement au développement du nouvel être que dans les premières phases de sa formation. Dès que l’œuf est fixé, peut-être même auparavant, c’est du dehors qu’arrivent les matériaux de nutrition, et ce sont les enveloppes qui jouent entre la mère et l’enfant ce rôle si important d’intermédiaire. Certes, les différences entre les vertébrés et les invertébrés sont loin d’être toujours aussi considérables. Chez les grenouilles, par exemple, non-seulement l’œuf s’isole de la mère comme chez les ovipares, et reste par conséquent chargé de nourrir l’embryon, mais encore le germe, envahi très rapidement par la peau, s’organise pour ainsi dire couche par couche, et au premier abord sa transformation semble si bien se faire tout d’une pièce, que quelques naturalistes ont paru croire qu’il en était ainsi. D’autre part, deux naturalistes allemands, Weber et Grube, ont décrit chez les sangsues et les clepsines des phénomènes qui rappellent à beaucoup d’égards ce que nous avons vu se passer chez les mammifères. Toutefois il ne paraît pas que chez les annelés, les mollusques ou les zoophytes, il y ait de véritable aire germinative, et en tout cas on n’a rien observé chez eux qui ressemble à la ligne primitive. Celle-ci, premier indice d’un appareil dominateur qui n’existe jamais chez aucun invertébré, ne saurait figurer, même à titre d’état transitoire, dans la série de leurs transformations.