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enfin chez les oiseaux par M. Coste. Ici toutefois apparaissent déjà de légères différences : dans certains œufs à vitellus volumineux, une portion du jaune échappe au fractionnement; mais, dans tous, la conséquence du phénomène est la formation d’une couche organisée primitive, qui enveloppe le jaune et a reçu le nom de blastoderme[1].

A peine ces premiers vestiges d’organisation ont-ils paru, que la similitude cesse et que des caractères distinctifs se prononcent. Le germe va devenir embryon, et dès l’origine il revêt les traits fondamentaux du groupe primaire dont fera partie le nouvel être. Vertébrés et invertébrés ont jusqu’ici marché de front dans la voie du développement. À ce moment, ils se séparent pour ne plus se rejoindre. Les deux grandes divisions du règne animal, les deux sous-règnes sont désormais absolument distincts[2].

Dans les vertébrés, sur un point du blastoderme, les élémens organiques, — cellules et granulations, — s’accumulent et se pressent de manière à former une petite tache d’abord circulaire. Cette tache est l’aire germinative. C’est le champ où les forces créatrices vont déployer leur principale énergie, ou mieux, elle est déjà l’embryon. L’aire grandit assez rapidement et devient ovale, Une ligne plus claire se dessine le long du grand axe. C’est la ligne primitive, indiquant déjà la place qu’occuperont la moelle épinière et le cerveau, ces deux centres nerveux qui commandent à l’organisme entier. Bientôt de petits points obscurs, disposées symétriquement le long de cette ligne, attestent que la colonne vertébrale commence aussi à se former. Le type ainsi déterminé, les classes se caractérisent à leur tour. Chez les mammifères, l’enveloppe propre de l’œuf, la membrane vitelline, s’est également transformée. D’abord épaisse et nue, elle s’est entourée d’une couche semblable à du blanc d’œuf, s’est de plus en plus confondue avec elle, et a considérablement grandi. Elle est encore libre de toute adhérence; mais déjà tout autour d’elle poussent de minces lamelles, premiers rudimens des racines que cet œuf vivant enfoncera dans le sein de la mère pour y puiser les sucs destinés à nourrir et lui-même et l’embryon.

  1. Les phénomènes trouvés par M. C. de Siebold chez les planaires, et par MM. Koren et Danielsen chez les mollusques pectinibranches, constitueraient deux exceptions remarquables aux faits généraux constatés partout ailleurs; mais tout en admettant l’exactitude de ces observations, on peut, je crois, les faire rentrer dans la règle générale en les interprétant autrement que ne le font ces habiles naturalistes.
  2. Dans une autre étude, j’ai insisté sur cet accord des phénomènes embryogéniques et des caractères naturels servant à distinguer les groupes primaire, secondaire, etc. (Revue des Deux Mondes, livraison du 1er janvier 1847). J’envisageais alors la question surtout au point de vue du perfectionnement de la méthode, et je dois rappeler que M. Edwards a traité ce sujet dans un travail fondamental (Annales des Sciences naturelles, 1844).