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BULL.

Oui, décidément, et d’une mort bien indigne d’un brave tel que lui... C’était bien la peine d’échapper d’une manière providentielle, comme il l’avait fait, aux baïonnettes des Sicks, pour se faire déchiqueter comme un oiseau par un gros chat !

MAGNIFICO, vivement..

Vous parlez de l’homme de Ferozeshur?

BULL.

Précisément. Celui qui...

MAGNIFICO, lui coupant la parole.

Je tiens son aventure de lui-même, la voici mot pour mot. Il était par terre, une jambe cassée, dans l’intérieur des retranchemens des Sicks; notre ligne fuyait à la débandade. Un grand coquin de soldat, ivre de bang, appuyait déjà le fer de sa baïonnette sur la poitrine de Sam, sans que ce dernier sût même en quel langage demander quartier, lorsque, par une inspiration soudaine, il prononça le nom de bacshih[1]. — Bacshih? demanda le soldat. — Bacshih, répéta le blessé d’un ton si affirmatif, que le Sick déposa son fusil, prit Sam sur ses épaules, et vint le porter à notre camp, où il reçut un bacshih de cent roupies.

LIVER.

Qui a donc obtenu la majority laissée vacante par la mort de Sam?

BULL.

Christopher,... l’officier le plus heureux de l’armée: commission du 17 juin 1833. Lieutenant 25 octobre 1836; capitaine en février 1841 et major le 3 janvier 1850. Le tout sans avoir un sou à payer de sa poche ! (La nappe a été enlevée ; les convives, divisés en groupes, se livrent à des conversations particulières autour de la table ou auprès de la cheminée.)

SHORTBRA1N, à Magnifico avec chaleur.

Oui, monsieur, c’est à en rougir, la cour des directeurs a refusé... refusé! Il s’agissait d’une misérable dépense, d’un lac de roupies peut-être, et on en devait attendre les plus splendides résultats; mais nos gouvernans ont d’autres soins que de veiller aux intérêts spirituels des populations natives, et de poursuivre le paganisme dans ses repaires. Comme le pécheur de l’Évangile, ils ont des oreilles pour ne point entendre et des yeux pour ne pas voir. Politiques égoïstes qui ne comprennent pas que si la Providence a donné à l’Angleterre le magnifique domaine de l’Inde, ce n’est pas exclusivement pour encourager la culture du sucre ou de l’indigo, et pourvoir les cadets de famille sans fortune, mais que pour obéir aux voix d’en

  1. Le pour-boire des Français et le bonna-manna des Italiens.