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SYMPHONIE ALPESTRE





CHŒUR DES ALPES.


Vois ces vierges là-haut, plus blanches que les cygnes.
Assises dans l’azur sur les gradins des cieux !
Viens! nous invitons l’âme à des fêtes insignes,
Nous, les Alpes, veillant entre l’homme et les dieux.

Des amans indiscrets l’abîme nous protège;
Notre front n’a rougi qu’aux baisers du soleil,
Et les rosiers du soir sur notre sein de neige
Répandent seuls l’ardeur de l’ambre et du vermeil.

Nos flancs ont retenu leur première ceinture;
Nul œil n’en profana les mystiques attraits;
Là, sous l’épais rideau des grands bois sans culture.
Le cœur seul est admis à goûter nos secrets.

Nous laissons sur nos pieds verdoyans de prairies
Se jouer les pasteurs et croître les troupeaux,
Viens, nous t’y verserons le lait des vacheries
Sur nos tapis de fleurs argentés de ruisseaux.

Notre souffle y répand toute vie, et nous sommes
Le réservoir sacré de toutes les vigueurs ;
Nous gardons pur le sang des taureaux et des hommes.
Chez nous est le remède à tes vaines langueurs.

Pour qu’il reste ici-bas une place au mystère.
Nous cachons nos déserts avec un soin jaloux;
Nos bases de granit sont les reins de la terre.
Et ce vieux continent s’étale encor sur nous.