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On n’osa pas le frapper avant le vote de l’emprunt; sa disgrâce ne fut qu’ajournée.

La commission prit acte des assurances des ministres. En présence de M. de Manteuffel, et avec son adhésion formelle, elle adopta une résolution qui devait servir de base à son rapport, et où les engagemens du cabinet étaient ainsi définis : « Considérant que le gouvernement déclare qu’il persévérera dans la politique suivie jusqu’à présent, c’est-à-dire qu’il marchera d’accord avec les cabinets de Paris, de Vienne et de Londres, et qu’il coopérera intimement avec l’Autriche et les autres états germaniques au rétablissement de la paix sur la base du droit, telle qu’elle a été posée par les protocoles de Vienne, en se réservant sa liberté d’action relativement à la coopération active, la commission pense qu’il y a lieu de voter l’emprunt. » Un membre du parti Bethmann-Hollweg, M. de Goltz, frère d’un aide de camp du prince de Prusse, fut nommé rapporteur. Le rapport présenta un historique complet de la question d’Orient d’après les communications diplomatiques. Il insistait sur le projet de convention qui avait échoué par le refus de la Prusse. Les membres de la commission, disait le rapport, avaient blâmé le parti pris à cet égard par le gouvernement, surtout si cette convention n’avait pour but que de constater dans une forme solennelle le résultat de la conférence de Vienne, et si elle n’entraînait pas la Prusse à une participation immédiate à la guerre. Le ministre leur avait répondu qu’il n’y avait eu aucun changement dans la politique du gouvernement, ni dans son désir de se maintenir sur le terrain des protocoles de Vienne. D’après le ministre, on avait attaché trop d’importance à la convention, que l’on essaierait d’ailleurs de remplacer par un protocole équivalent. Le gouvernement maintenait toujours hautement l’accord qui avait existé depuis le principe entre lui, l’Autriche et les puissances maritimes. Seulement, de même que la France et l’Angleterre avaient fait entrer leurs flottes dans la Mer-Noire sans s’être entendues préalablement avec les puissances allemandes, de même le cabinet de Berlin réclamait le droit de faire à côté de la conférence toutes les démarches qu’il jugerait les plus favorables à l’aplanissement des difficultés. Ainsi expliquée, l’attitude du gouvernement prussien ne pouvait être confondue sans mauvaise foi avec le système de neutralité préconisé par le parti russe. La commission l’approuvait. Enfin, comme pour mieux lier le ministère à ses déclarations, le rapport se terminait par les considérations suivantes : «La Prusse ne pourra soutenir une lutte avec succès qu’autant que cette lutte sera nationale. L’alliance avec la Russie est impossible. La Prusse et l’Allemagne sont intéressées à ce que leur puissant et redoutable voisin n’augmente pas sa puissance. L’histoire démontre