Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/920

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

honorable de réconciliation à l’empereur Nicolas, qui en présence de cette unanimité aurait pu, sans avoir l’air de céder aux deux puissances dont il lui a plu de faire ses adversaires, se rendre aux vœux formels de ceux qu’il a toujours affecté de regarder comme ses plus chers et plus intimes alliés. Si le cabinet de Pétersbourg au contraire fût demeuré inflexible et intraitable, au moins, grâce à l’union de l’Allemagne avec l’Occident, la lutte eût été localisée pendant toute sa durée sur les frontières de la Russie; on eût été sûr qu’elle ne se compliquerait pas d’accidens qui pussent en dénaturer l’objet et en éloigner la conclusion. L’Europe occidentale eût été enfin affermie dans cette heureuse confiance qui lui a permis jusqu’à présent de continuer, malgré la guerre, les plus actives et les plus fécondes entreprises de la paix. Quels étaient en Allemagne les hommes d’état qui auraient dû embrasser le plus vivement cette politique, dont les conséquences, si nettement tracées, étaient, soit de forcer la Russie à rendre la paix à l’Europe et d’épargner par là à l’empereur Nicolas les diminutions de puissance que la prolongation de la guerre lui infligera infailliblement, soit de mettre au moins la confédération et son territoire à l’abri d’une conflagration générale ? N’est-ce pas surtout ceux qui redoutent l’amoindrissement et l’abaissement de la Russie et ceux qui ont l’habitude de toujours placer le point de vue germanique au-dessus du point de vue européen ?

Ces questions, qui tiennent en suspens le public sérieux, nous ont depuis longtemps préoccupés. Nous avons eu à cœur de les éclaircir; nous avons voulu pénétrer au-delà des indications abstraites que présentent les documens diplomatiques, pour aller rechercher les intérêts particuliers, les mobiles secrets, les influences personnelles qui sont en jeu depuis un an dans les affaires germaniques. Les anciennes relations que la Revue possède avec l’Allemagne nous offraient de précieuses ressources pour l’accomplissement de cette tâche. Nous en avons profité : nous avons interrogé à Vienne, à Berlin, dans les autres centres d’action, des personnes bien placées pour suivre le fil des incidens qui ont signalé depuis un an les diverses phases de la politique allemande; des renseignemens spontanés nous sont aussi parvenus, et c’est le résultat de cette sorte d’enquête, c’est l’ensemble de ces informations que nous nous proposons aujourd’hui de dépouiller, de classer, de coordonner, en le reliant aux faits généraux déjà connus, aux documens diplomatiques déjà publiés, afin d’éclairer aussi complètement qu’il nous sera possible le sens de ces documens et la portée de ces faits.

C’est de Berlin et sur Berlin que nous sont venues les informations les plus nombreuses et les plus intéressantes. Cela tient à deux causes. La première est particulière au régime politique de la