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tant qu’ils voudront contre les bas-bleus et citer Molière. Jamais ai contraire l’influence morale des femmes n’a été aussi nécessaire que, de notre temps, car nous ne péchons pas par délicatesse de sentimens, et si quelque influence peut donner à nos mœurs demi-barbares cette tendresse, cet esprit de charité, cette sollicitude pieuse qui adoucissent et ornent la vie, ce ne peut être que l’influence féminine. Ce rôle utile n’a par malheur jamais été rempli dans notre pays, où il semble que les femmes qui prennent la plume n’aient rien de plus intéressant à faire que de raconter en prose sentimentale de vieilles histoires d’adultère, dont les plus vulgaires lecteurs ne veulent plus.

Telles sont les réflexions que font naître en nous les innombrables écrits féminins qu’il nous a été donné de lire depuis quelques années. Tous ont un but commun, recommander l’esprit de charité, et nous n’entendons pas ce mot dans son sens étroit, nous ne le prenons pas seulement comme synonyme de bienfaisance : ces livres ne recommandent pas seulement la charité envers les misérables, ils la recommandent envers tous les êtres humains, quelle que soit leur condition ou leur rang, ils nous enseignent à nous défier des jugemens du monde, à fouler aux pieds les préjugés cruels qui sacrifient à une abstraction purement conventionnelle des cœurs vivans et souffrans, et pour nous résumer d’un mot, ils ne rendent tous qu’une même note et un même son : amour du prochain et sympathie humaine.

Le lieu où a été écrit le Lamplighter est le Massachusetts; ce petit fait a son importance aussi bien que le sexe de l’auteur, et pourrait également donner naissance à de nombreuses réflexions. En vérité, il n’y a guère à l’heure présente, sur la planète fangeuse où nous vivons, de coin de terre plus remarquable que ce petit état du Massachusetts. Nous parlions, il y a un instant, de cette société moderne toute morale qui existe éparse sur toute la surface du globe, et qui s’efforce de tempérer la barbarie de l’autre société. C’est dans le Massachusetts qu’elle a fixé son séjour en Amérique, c’est de là qu’elle parle, écrit, prêche et réagit contre les tendances américaines. Là se trouvent des écrivains qui recommandent à leurs concitoyens moins d’activité fébrile et plus de sage lenteur, moins de vanteries patriotiques et plus de naïveté. Là se trouvent des prédicateurs qui recommandent à leurs fidèles moins d’assujettissement superstitieux aux pratiques de tel ou tel culte et plus d’esprit chrétien; là se trouvent des philosophes qui recommandent de croire plutôt aux principes éternels de la morale qu’au jugement des foules. L’activité exagérée, l’égoïsme rapace des Américains, la bigoterie des sectaires, le quasi-athéisme qui consiste à regarder comme juste et bon tout ce qui a été sanctionné par une loi émanée d’hommes passionnés, créatures