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ans de l’histoire du gouvernement représentatif en Angleterre ne sont pas un âge d’innocence et de vertu politique. Le roi George III n’était pas le modèle du monarque constitutionnel; il y avait des courtisans qui travaillaient sourdement contre les influences parlementaires. Les chambres ne se signalaient ni par une intégrité sévère, ni par une fière indépendance, ni par une infaillible sagesse. Les hommes éminens se contraignaient peu, et donnaient rarement l’exemple du sacrifice au bien général de leur vanité et de leur passion. Des manœuvres reprochables, des témérités, des exagérations et des violences, enfin des fautes graves contre la prudence et le patriotisme ont compromis leur renommée, et cela dans un moment où l’état, accablé de formidables difficultés, avait des périls à courir et des revers à réparer. Et cependant cette époque n’est pas de celles qui méritent les dédains de l’histoire, où les hommes se montrent sous un jour qui les dégrade, et dont rougisse une nation. Pendant ces vingt ans, l’Angleterre a donné un spectacle instructif, animé, dramatique. Le combat des passions humaines mettant en jeu de grands talens n’inspire pas une humble idée de l’humanité. Enfin les institutions, violemment exploitées par l’ambition, ont conservé leur force et déployé leur vertu. Rien en un mot n’est arrivé qui ait pu laisser au dernier des Anglais mauvaise opinion de son pays et de ses lois. La liberté politique s’est conservée au milieu des orages; elle n’a ni reculé d’un pas, ni perdu un ami. Bien plus, elle a, pour ainsi dire, acquis dans ces épreuves la force et le besoin de se purifier et de se développer encore. Elle s’est mûrie pour les grandes réformes de nos jours. Les noms de Fox et de Pitt, malgré leurs fautes, ne sont pas de ces noms qu’elle songe à effacer de ses fastes. Et quant à celui de ces deux hommes qui est l’objet de cette étude, et pour lequel on nous trouvera sévère peut-être, son souvenir est resté cher à son pays. Sa gloire subsiste, car il a soutenu les plus nobles causes, et il unissait à la supériorité de l’esprit et du talent la généreuse passion du bien, le charme du naturel, et, comme Grattan le disait de son éloquence, une grandeur négligente.


CHARLES DE REMUSAT.