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instituée. A quel prix, l’histoire le sait. La justice et l’humanité avaient été outrageusement violées dans la création de l’Inde anglaise. La morale comme la politique commandait donc un changement profond dans l’état légal de son administration. Toute réforme devait avoir pour principe la réunion de l’Inde à l’empire britannique sous la puissance du gouvernement. Pour atteindre ce but, les moyens pouvaient varier, mais on conviendra que c’était avec une parfaite sécurité de conscience que des hommes tels que Fox et Burke devaient entreprendre une telle réforme.


« Ils s’efforcent, lisons-nous dans une lettre très intime du premier, d’exciter une grande clameur contre nous, et ils réussiront, je le crains, à nous rendre très impopulaires dans la Cité. Cependant je sais que j’ai raison, et je dois en supporter les conséquences, quoique j’aie autant qu’homme au monde l’aversion de l’impopularité. Réellement ce n’est pas en moi hypocrisie que de dire que la conscience d’avoir toujours agi par principes dans les affaires publiques, et ma détermination de faire toujours de même est la grande consolation de ma vie. Je sais que je n’ai jamais plus agi par principe que dans cette occasion où je suis tant attaqué. Si je n’avais considéré que la conservation de mon pouvoir, le plus sûr était de laisser les choses comme elles étaient, ou de proposer quelque insignifiante modification, et je ne suis nullement ignorant du danger politique que je cours par cette démarche hardie; mais que je réussisse ou non, je serai toujours heureux de l’avoir tentée. »


Il attaquait une corporation puissante dans son orgueil et dans ses intérêts. Encore aujourd’hui, un ministère aurait de la peine, s’il le voulait, à se délivrer des restes de la compagnie des Indes, et l’on en recule par des mesures provisoires la réforme définitive. En 178’, la tentative de Fox n’aurait pas réclamé moins que l’initiative d’un ministère affermi, loyalement soutenu par la couronne, suivi avec enthousiasme par les deux chambres. Chatham, au faîte de sa gloire, n’aurait pas réussi sans effort. Fox commettait donc une noble imprudence. Tous les intérêts et tous les sentimens hostiles au ministère se groupèrent autour de cette question et s’en saisirent comme d’une arme mortelle. L’intrigue et la calomnie se mirent à l’œuvre. Les objections les plus contradictoires, les imputations les plus disparates furent dirigées contre le cabinet et son plan. Une seule a surnagé, et le reproche qui dans le temps vint en seconde ligne est encore articulé par des écrivains d’une certaine gravité. Le moyen le plus simple de régulariser le gouvernement de l’Inde, en conservant la compagnie, était de remplacer par des autorités légales l’administration arbitraire et pour ainsi dire domestique de quelques négocians de la Cité, et c’est ce qu’avait déjà fait un bill de lord North en 1773, mais il laissait la compagnie sans contrôle organisé. Un second