Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/868

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

colonies et la correspondance avec l’ouest de l’Europe. Les relations avec le reste du monde formaient le département du nord. La guerre avait motivé la création d’un troisième secrétaire d’état chargé des affaires d’Amérique ou des colonies. Appelé pour faire la paix, le ministère supprima cette place, et établit la division qui a subsisté jusque dans ces derniers temps[1]. Un des secrétaires d’état, Fox, fut chargé des affaires étrangères ; l’autre, lord Shelburne, eut le département de l’intérieur, duquel dépendaient l’Irlande et les colonies. Par suite de cette dernière attribution, il ne pouvait être tout à fait en dehors des mesures diplomatiques, puisque des colonies étaient parties belligérantes. L’indépendance de l’Amérique intéressait officiellement le ministre qui correspondait avec l’Amérique. Une certaine communauté d’action et par suite un parfait accord était donc nécessaire entre les deux secrétaires d’état. Or cet accord n’existait pas. Le caractère de lord Shelburne avait peu d’analogie avec la franchise, l’abandon, la supériorité confiante de son collègue. La commune renommée refusait au premier la sincérité. La presse, depuis Junius, l’avait surnommé le Jésuite. C’était un homme défiant; mais aucun fait cependant ne prouve que la réserve allât chez lui jusqu’à la duplicité. Seulement, dans le cabinet, ses origines le distinguaient de ses collègues. Il avait toujours fait partie de cette coterie que lord Chatham tenait à conserver libre de toute connexion avec les partis. La confiance relative que le roi lui témoignait le compromettait encore. C’était une ressource particulière dont il pouvait dans l’occasion se servir, mais dont on ne voit pas qu’il ait usé contre ses collègues. N’importe, il était suspect, et rien dans ses manières n’était propre à lui rendre la confiance que sa position lui faisait perdre. Fox écrivait à Fitzpatrick : «Shelburne est chaque jour à plus en plus lui-même. Il est ridiculement jaloux de mes empiètemens sur son département, et il a grande envie d’empiéter sur le mien... il affecte le ministre[2] de plus en plus chaque jour, et il est, je crois, parfaitement assuré que le roi a l’intention de lui e donner le titre. Pourvu que nous puissions tenir assez longtemps pour donner un bon coup à l’influence de la couronne, il est, | pense, fort indifférent que nous nous en allions un peu plus vite.» Avec de tels sentimens, il était difficile que la coopération

  1. L’étendue et l’importance des possessions outre-mer de l’Angleterre a fait rétablir il y a déjà assez longtemps, le secrétaire d’état des colonies. Pendant la guerre actuelle on vient de créer une place de secrétaire d’état de la guerre. Il n’y avait jusqu’alors qu’un secrétaire de la guerre, rarement membre du cabinet. Il y a donc maintenant quatre secrétaires d’état.
  2. Le ministre, dit emphatiquement en anglais, signifie le premier ministre. Quand un cabinet se forme, on demande : Qui sera le ministre ?