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« Il a beaucoup d’esprit, j’en conviens; mais c’est un genre d’esprit dénué de toute espèce de bon sens... Il n’a pas un mauvais cœur, mais il n’a nulle espèce de principes, et il regarde avec pitié tous ceux qui en ont. Je ne comprends pas quels sont ses projets pour l’avenir; il ne s’embarrasse pas du lendemain. La plus extrême pauvreté, l’impossibilité de payer ses dettes, tout cela ne lui fait rien. Le Fitzpatrick paraîtrait plus raisonnable, mais le Fox assure qu’il est encore plus indifférent que lui sur ces deux articles; cette étrange sécurité les élève, à ce qu’ils croient, au-dessus de tous les hommes. Ces deux personnages doivent être bien dangereux pour toute la jeunesse. Ils ont beaucoup joué ici, surtout le Fitzpatrick. Il a perdu beaucoup... Il me semble qu’il (Fox) est toujours dans une sorte d’ivresse. Il joint à beaucoup d’esprit de la bonté, de la vérité; mais cela n’empêche pas qu’il ne soit détestable. Je lui aurai paru une plate moraliste, et lui il m’a paru un sublime extravagant. »


Malheureusement pour lui, plus d’un trait de cette sévère peinture portait juste.


« M. Fox est la première figure en tout lieu, dit Horace Walpole dans une de ses lettres, le héros du parlement, de la table de jeu, de Newmarket. La semaine dernière, il a passé vingt-quatre heures sans interruption dans ces trois endroits ou sur la route de l’un à l’autre. »


C’est après de telles citations qu’il est bien nécessaire de rapporter ce que disait de lui un de ses adversaires politiques les plus décidés et les plus éclairés, Gibbon : « Jamais peut-être aucun être humain ne fut plus parfaitement pur de toute tache de malveillance, de vanité ou de fausseté. » C’est alors qu’il importe de rappeler que dans un temps où les plus nombreux, les plus éclatans exemples semblaient autoriser les hommes politiques à songer à leur fortune, il n’y pensa jamais, et s’abstint constamment de ces précautions tolérées contre la pauvreté, qu’à l’aide de sinécures ou de pensions on pouvait prendre sans compromettre sa renommée. Ce joueur forcené était le plus désintéressé des hommes.

C’est qu’il n’était plus le même quand la politique l’élevait à lui heureux s’il eût compris que la réputation privée est une force et un devoir de la politique. Cependant tout se réunissait pour l’avertir, En devenant homme populaire, il aurait dû songer aux défiances du peuple. Aux élections générales de 1780, il fut candidat pour Westminster, et reçut de ses nouveaux commettans comme une empreinte démocratique. En même temps pénétraient dans la chambre des communes des hommes nouveaux dont la présence pouvait lui créer de nouveaux soins, Fitzpatrick et Townshend, dont l’amitié n’était qu’un appui, Sheridan, dont la sagesse ne pouvait faire ombrage à la sienne, mais aussi ce jeune Pitt, objet à vingt et un ans de tant de