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«Si j’avais, dit-il, le pouvoir de l’éloquence ou la plume d’un Addison, je ne pourrais vous dire que ceci : c’est que si vous êtes courageusement résolu à rester, je saurai maintenir la constitution dans son ancien lustre. » L’opposition s’est tant égarée, que ceux de ses membres qui entreront en place doivent donner l’assurance qu’ils n’entendent pas s’embarrasser de tout ce qu’ils ont soutenu. Pour M. Fox, un office lucratif, mais hors du ministère; comme il n’a jamais eu aucun principe, son intérêt le guidera. Enfin quand lord North demandait trop instamment son congé (et il finit par le prendre), George III ne parlait que de s’en retourner en Hanovre, et même il paraît certain qu’il fit ses préparatifs de retraite ; entre autres, il ordonna de changer ses livrées[1].

Lord North, en faisant tête à l’orage avec un calme qui ressemblait à une conviction inébranlable, était bourrelé d’inquiétudes et de doutes. De bonne heure, il s’était défié de cette politique de compression, dont il consentait à rester le principal instrument. De là cette mollesse que le gouvernement portait dans un système de vigueur. Clairvoyant et modéré, North voulait s’arrêter, il avertissait le roi, il retenait son parti; il parlait de modifier le cabinet, de prendre sa retraite. En 1778, il en annonça la résolution, disant que depuis trois ans il désapprouvait les mesures du gouvernement. C’était un étrange aveu. Le roi s’écriait qu’on voulait l’abandonner, qu’il résisterait seul, qu’il partirait. Lord North restait par déférence, par faiblesse, par une fausse prudence. Pour ne pas trahir ses collègues et ses amis, il trahissait l’intérêt public. Essayait-il de modérer les actes et le langage, lord George Germaine était là. Il avait le département des colonies. Sa main était rude, sa parole hautaine, homme prédestiné à traîner partout le malheur, avec lui. Dans la chambre, son attitude toujours offensive provoquait les fureurs éloquentes de Fox et de Burke. Vingt fois l’accusation fut suspendue sur sa tête, et il faillit voir terminer par un procès sa carrière publique, comme un procès terrible avait mis fin à sa carrière militaire. Il fallait que lord North vînt à son secours, que pour calmer l’irritation produite il en prît quelque chose à son compte et se montrât plus vif que ses propres intentions. Ainsi il se compromettait chaque jour davantage, en se refroidissant davantage chaque jour sur les opinions et les mesures qui le conduisaient à sa perte. C’était une conduite inexcusable et cependant digne de pitié. Un autre aurait fui de désespoir; mais il était d’une humeur sereine, et sa gaieté

  1. C’est le roi George IV qui l’a raconté à lord Holland avec plus de gaieté que de respect filial. (Mem.. of Fox, t. Ier, p. 287.)