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enfant en bas-âge qui fut l’excellent lord Holland. Lady Caroline n’avait survécu que d’un mois à son mari. Tous ces malheurs domestiques rompaient les liens que Fox portait sans s’en douter, et désormais ne pouvant compter que sur ses propres forces, n’ayant plus à ménager certains intérêts par ses opinions, à régler sa conduite sur aucun exemple, il devint peu à peu lui-même, et le seul Fox enfin que connaisse aujourd’hui la postérité.

Dès le commencement de la session de 1775, il proposa un amendement à l’adresse, et le développa dans un discours de longue haleine. Il avait jusque-là montré le talent plutôt de débattre des incidens que d’exposer tout un ensemble de vues politiques. Il fit, au dire des contemporains, une plus grande figure ce jour-là qu’il n’avait encore fait, et le rejet de son amendement fut considéré par les esprits prévoyans comme le vote de la guerre civile. Rien ne serait rebutant comme de le suivre dans les phases innombrables de la discussion des affaires d’Amérique. Elle dura huit ans encore, et de bons juges ont pensé que c’était la plus belle époque de son talent. C’est du moins celle où ce talent fut le moins contesté, et où la politique qui l’inspira rencontrerait aujourd’hui le moins de censeurs. Cette admirable question de la liberté américaine avait un effet doublement heureux. D’abord elle le plaçait, dès qu’il eut pris parti, dans une indépendance absolue envers la cour; puis en provoquant, en ramenant sans cesse le débat sur ces principes tutélaires de la dignité des nations, la taxation consentie, la résistance à l’oppression, les prérogatives historiques de la race anglo-saxonne, les droits philosophiques de l’humanité, elle conduisait peu à peu, elle enchaînait leur éloquent défenseur à cette sainte cause de la liberté dont son nom est à jamais inséparable. « Il faut, écrivait-il à lord Rockingham, exprimer ouvertement et noblement les craintes trop fondées que tout homme doit concevoir du pouvoir de la couronne, dans le cas où sa majesté serait en état de réduire par la force des armes le continent américain. Sur toutes choses, mon cher lord, j’espère que ce sera un point d’honneur parmi nous que de soutenir les prétentions de l’Amérique dans l’adversité comme nous l’avons fait dans sa prospérité, et que nous ne déserterons jamais des hommes qui se sont conduits par les principes whigs sans réussir, tant que nous continuerons de professer notre admiration pour ceux qui ont réussi par les mêmes principes en 1688. »

L’opposition se composait alors des whigs purs dont le marquis de Rockingham était le chef avec le duc de Richmond, et que guidait Burke à la chambre des communes avec plus d’éclat que de Sagesse; de lord Chatham et de quelques amis que sa mort isola bientôt, et dont lord Shelburne était le plus habile et lord Camden