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gouvernement qui n’est que l’esprit de conservation politique, avait pris une certaine influence dans la direction des affaires. L’opinion publique s’obstinait à personnifier cette influence dans lord Bute, qui en avait été quelques jours l’instrument, mais qui depuis sa retraite n’était rien en passant pour être tout. C’était faire injustice à George III que de lui croire un favori nécessaire pour le pousser dans les voies d’un absolutisme relatif. Il avait par lui-même toute la vanité, toute la petitesse et tout l’entêtement qu’il fallait pour cela. Bien différent de ses deux prédécesseurs, qui ont si utilement servi l’Angleterre par leur sagesse et leur médiocrité, malheureusement secondé par les divisions insensées de cette phalange de l’ancien parti whig, qui, trop sûre de posséder le gouvernement, se passait toutes les fantaisies de l’orgueil individuel et toutes les intrigues de l’ambition désœuvrée, le roi ne cessa jamais d’attacher ce qu’il appelait son honneur à faire dominer ses idées propres sur celles des partis, à dégrader les hommes politiques en subordonnant leurs opinions à leurs intérêts, et en ne leur faisant espérer le pouvoir qu’au prix de la complaisance. Jamais sans doute il ne réussit complètement, et toujours l’énergie des nobles institutions du pays résista plus ou moins à ses efforts. Cependant l’histoire parlementaire des vingt-cinq premières années de son règne est remplie d’incidens qui ne s’expliquent ni ne se justifient par les conditions ordinaires du système représentatif et qui accusent l’influence corruptrice de la royauté personnelle. Ce parti des amis du roi, dont Burke a signalé avec tant de sagacité et de verve la formation et les desseins, tendait à s’élever sur les ruines de ces grands partis qui représentaient de vraies pensées politiques, et à qui appartenait la révolution de 1688, puisqu’elle était leur ouvrage et leur cause. Qui sait à quel point la constitution aurait pu enfin être dénaturée par cette détestable influence, si deux événemens n’étaient survenus vers la fin du siècle, qui ont servi à maintenir dans leur intégrité les principes du gouvernement constitutionnel ? L’un est la démence du prince, l’autre est la révolution française. La première mit à néant tout empire et toute prétention de la personnalité royale. Avant même que cet effet fût produit, la seconde ralliant des partis ou des fractions de partis effrayés en une forte association de défense et de guerre, dont la royauté n’était plus qu’un élément, substitua au torisme de cour un torisme conservateur, qui put avoir ses excès et ses violences, mais qui fut le drapeau d’un vrai parti politique, existant par lui-même, en vertu de ses convictions et de ses passions, digne de gouverner, s’il était sage, capable de gouverner, s’il était fort.

Mais c’étaient là autant de choses cachées dans le secret de