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roi Charles II. De très bonne heure son esprit s’alluma, et sa première séduction s’exerça sur son père. « Charles, écrivait celui-ci en 1756, est très éveillé et très bon raisonneur (very argumentative).» L’enfant s’empara peu à peu des volontés qui l’auraient dû maîtriser. A l’école de Wandsworth où il eut pour maître un Français[1], à Eton où le père de sir Philip Francis, de celui qui fut peut-être Junius, lui servit de précepteur, mais surtout dans la maison paternelle, il s’habitua à voir tout plier devant ses caprices, et son père, faisant d’une faiblesse un système, résolut de lui complaire en tout pour le former au commandement. A quatorze ans, il le conduisit à Paris, puis à Spa, où il lui fit faire connaissance avec le jeu, alors comme aujourd’hui la distraction scandaleuse des buveurs d’eaux thermales. On date de là cette passion qui fut comme le fléau de la vie de Fox.

Si son intelligence n’eût été aussi vive et aussi curieuse, si un goût naturel ne l’eût porté vers tout ce qui exerce et orne l’esprit, on sent ce qu’une pareille éducation aurait produit; mais au milieu d’études un peu décousues, l’élève, accoutumé de trop bonne heure à la liberté de ses fantaisies, de trop bonne heure initié aux joies et aux succès du monde, ne laissa pas d’acquérir à l’université des connaissances variées, et qu’il aimait à rendre, autant que possible, exactes et complètes. En tout temps il tint à savoir avec précision. On est surpris de trouver, dans une lettre qu’il écrivait d’Oxford à quinze ans, des nouvelles du monde et de la politique données avec l’aplomb d’un personnage qui passerait sa vie dans les salons de Londres, et de lire sur la même page des phrases comme celles-ci : « Mon frère Stephen aime Paris plus que jamais... Nous n’entendons pas dire qu’il joue, ce que, je pense, vous serez bien aise d’apprendre... J’aime assez Oxford; j’ai lu beaucoup, et je suis épris des mathématiques. Je crois que j’irai à Paris au printemps. » De tels voyages et d’autres distractions interrompaient sa vie académique. Il la termina par une lecture attentive et générale de tout ce qu’avait produit de mauvais ou de bon le théâtre anglais. Ainsi à son goût pour la poésie, développé par l’étude de l’antiquité, il joignit un goût nouveau, celui de la déclamation dramatique. Tout enfant, on lui avait fait jouer avec des compagnons de son âge la tragédie chez son père, et ce devint un des plaisirs de sa jeunesse. Par-là, il acquit de l’assurance à parler en public et un certain art de débit oratoire. Au collège, on l’avait de bonne heure choisi pour figurer dans les exercices

  1. Il se nommait Pampelonne, et devait être d’une de ces familles de protestans français qui s’établirent en assez grand nombre, lors de la révocation de l’édit de Nantes, à Wandswoth, village voisin de Londres et qu’habita Voltaire.