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renouveler les châssis vermoulus, et boucher les trous bien modestement, si la couleur s’écaille. Hors de ces trois moyens, il n’y a qu’imprudence, témérité. Il n’y a ni malveillance ni improbité à signaler le danger, à montrer les dégâts du vernis coupé d’essence. C’est plus qu’un droit, c’est un devoir.


Si les injures étaient des argumens, M. Michiels serait un écrivain de premier ordre, un logicien de première force. Heureusement les injures ne prouvent rien; les honnêtes gens s’en indignent, le bon sens public en fait justice, et l’homme injurié n’a pas même à s’en occuper. Je pourrais donc me dispenser de répondre à M. Michiels; mais, puisqu’il veut absolument que je parle de lui, je me rendrai à ses instances. Il paraît, d’après une lettre publiée par lui, qu’il m’avait tué il y a quatorze ans. Il m’accuse de l’avoir oublié, et s’étonne de me voir encore vivant. C’est en effet, de ma part, une incroyable prétention. Cependant je dois lui dire que je n’ai pas eu la peine d’oublier ma mort, car je n’ai jamais lu ce qu’il a écrit contre moi. J’ai entendu dire qu’il m’accusait d’avoir emprunté à Walter Scott et à Quatremère de Quincy des détails biographiques sur Fielding, Maturin, Mackenzie, Michel-Ange, et cette terrible accusation n’a excité ni ma colère ni ma curiosité. Je ne me suis jamais posé en biographe. Depuis que je tiens une plume, depuis que j’offre ma pensée au public, une seule préoccupation a dominé tous mes travaux : j’ai tâché de raisonner juste. Lorsqu’il m’arrive de me tromper, et je ne prétends pas à l’infaillibilité, je n’ai pas à me reprocher d’avoir prononcé légèrement. Avant d’entamer une argumentation, j’interroge les documens qui peuvent m’éclairer. S’il s’agit de Phidias, j’ouvre Plutarque ou Pausanias; de Fielding, Walter Scott; de Michel-Ange, Vasari ou Quatremère de Quincy. C’est là ce que M. Michiels appelle un plagiat. Je ne pousserai pas l’ingénuité jusqu’à discuter la valeur d’un tel reproche; ce serait abuser de l’attention du lecteur. Je n’invente pas les faits, je les prends chez les écrivains qui les connaissent et les ont consignés. Je ne m’attribue l’honneur d’aucune découverte : je me contente de penser par moi-même, et c’est déjà une tâche assez difficile. M. Michiels ne comprend pas ainsi les devoirs de l’écrivain, et il l’a bien prouvé dans son livre sur Rubens.

Rubens lui appartient ; il n’est permis à personne de toucher à ce grand nom, qui est sa propriété. Comment un homme qui sait le flamand et le hollandais beaucoup mieux que le français, je veux le croire du moins, ne serait-il pas le maître absolu, le possesseur privilégié de l’école flamande ? Son droit n’est-il pas évident ? Qui donc oserait le contester ? Le doute à cet égard équivaut à l’impertinence. Aussi voyez comme M. Michiels use de Weyermann et de M. Bakhuizen ! Il sait le flamand et le hollandais; il faut bien qu’il profite de ses avantages. Il assure que personne, excepté lui, ne connaît parmi nous ces idiomes mystérieux. Je ne sais pas le hollandais, et je cite M. Bakhuizen : quelle irrévérence! Il est pourtant question de cet écrivain apocalyptique dans l’Annuaire de la Revue et dans le travail justement estimé de M. Quinet sur Marnix; mais ni l’Annuaire ni M. Quinet n’ont entrepris une monographie sur Rubens, et c’est là mon crime. Il semble que la connaissance du flamand et du hollandais devrait dispenser M. Michiels d’inventer des faits, lorsqu’il s’agit de la Flandre ou de la Hollande. Les découvertes de Weyermann et de M. Bakhuizen, dont il possède le secret par