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s’épanouissent qu’elle devient infidèle. Il y a là un fâcheux hasard que l’auteur, dans l’intérêt de sa thèse, eût bien fait d’éviter.

On sent, par ce peu de mots, que, pour se faire un nom dans les lettres, Mme Carletta-Calani a besoin d’étudier encore et de mûrir son talent. Il faut qu’elle acquière plus d’égalité dans le ton, plus de certitude dans la marche, plus de liaison dans les idées. Des pensées élevées, des sentimens généreux, un patriotisme sincère, une sainte horreur de l’hypocrisie, peuvent signaler quelques parties du roman de Palmyre à notre estime, mais ne suffisent pas à en racheter les défauts.


On le voit, la vie contemporaine commence à préoccuper les romanciers italiens. Si nous cherchions à tirer une conclusion de ce tableau où nous venons de comprendre trois écoles distinctes, nous dirions que le roman historique a accompli sa mission et fait son temps. Sous l’influence de Manzoni, il a contribué par des œuvres plus ou moins puissantes, mais toujours recommandables, à réveiller l’esprit national des populations italiennes. L’effort de M. Guerrazzi pour le retremper et lui donner une nouvelle vie a échoué, parce que la réforme était dans les mots plus que dans les choses et les idées. Aujourd’hui le roman intime prend la place du roman historique, et c’est à lui qu’appartient l’avenir : il a beaucoup à faire cependant pour s’assurer les sympathies du public italien, car les passions politiques ne laissent pas au-delà des Alpes assez de calme aux esprits pour qu’ils se livrent volontiers à des observations minutieuses, à de paisibles études. Espérons qu’il se trouvera quelques écrivains assez heureusement doués pour concilier l’émotion du patriote avec les devoirs du romancier, pour peindre la société italienne sans amertume et sans froideur dans sa vie de chaque jour, comme Manzoni avait su la montrer dans son glorieux passé. Espérons aussi qu’une ère plus calme s’ouvrira pour ces populations qui ne peuvent guère poursuivre, à travers tant d’obstacles et de préoccupations douloureuses, la gloire littéraire. Une vie politique meilleure, voilà ce qui garantirait à l’Italie un meilleur développement de son heureux génie. « N’insultons pas le génie de l’Italie, disait un critique illustre, parce qu’il sommeille. Croyons que cette nation, à la tête de toutes les autres dans le XIVe siècle, si brillante au XVIe si spirituelle, si vive, si bien née pour la politique et les arts, croyons que cette nation, si elle pouvait jouir et d’elle-même et de favorables institutions, montrerait bientôt tout ce que le ciel du midi nourrit de flamme et de génie dans les habitans de ces heureux climats. » Il y a longtemps déjà que M. Villemain prononçait ces paroles. L’esprit italien, mûri par le malheur, nous autorise de plus en plus à partager de si nobles espérances; fasse le ciel qu’on les voie un jour pleinement justifiées !


F.-T. PERRENS.