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lui-même les avoir trop lus, trop retournés en tout sens et expliqués l’un par l’autre. C’est là qu’est la vérité, et non-seulement la vérité, mais la chaleur et le coloris de l’histoire. Pour cela, il faut faire jaillir ce feu vital et en éclairer l’ensemble même du récit. C’est ainsi que faisaient les historiens de l’antiquité, auxquels la typographie n’offrait pas ses ressources pour multiplier les notes, contre-notes, pièces officielles, et qui, j’en conviens, n’avaient pas à soulever ce poids énorme de renseignemens dont est surchargée la vieillesse du monde. Ils étudiaient cependant, ils faisaient de grandes et difficiles recherches; mais, ou ils ne prenaient que l’essence des témoignages pour vivifier leur récit, ou parfois ils plaçaient dans leur texte même le monument original, qui était là debout comme une inscription du passé. Rien ne s’oublie d’une semblable composition; tout y est saisissant et nécessaire. Le même procédé nous frappe dans Machiavel (Histoire de Florence) et quelques autres modernes, y compris Voltaire, qui en a fait parfois un instructif et piquant usage, comme par exemple dans le chapitre où il résume brièvement, avec une vive clarté, tout à travers le récit, l’origine, la forme, la durée des institutions de la Suède, de son ordre des paysans et de son sénat, au lieu d’en renvoyer la démonstration à des notes; mais nous insistons trop sur ce détail, et il vaut mieux, en louant les recherches, la méthode générale et le talent de l’auteur, le presser de finir son ouvrage, que ce premier volume laisse en suspens à l’évasion du successeur provisoire de Charles IV, de son frère le cardinal Nicolas, marié à sa cousine Claude en supplément de droit héréditaire, et forcé de fuir avec sa femme devant l’invasion française.

La continuation de cette crise et les péripéties à venir jusqu’à la cession définitive de la Lorraine à la France nous promettent bien d’autres attachans détails, pour lesquels sans doute se sont empressées de contribuer toutes les archives du pays. M. d’Haussonville a beaucoup cherché et habilement choisi dans quelques archives particulières de Lorraine et dans quelques manuscrits inédits de l’histoire locale. Cependant la mine inépuisable, c’est le dépôt des affaires étrangères, d’où il a tiré quelques pièces précieuses, et qui lui fournirait encore davantage pour l’avenir. Nous savons, il est vrai, que plusieurs in-folio, transcrits de la correspondance ministérielle sous Richelieu, existent à la Bibliothèque impériale, et nous y avons remarqué sur les affaires diplomatiques du temps plusieurs lettres qui, sous le contre-seing de Châteauneuf ou de tel autre, laissent voir la griffe du cardinal; mais c’est surtout le riche dépôt des affaires étrangères qui peut encore beaucoup donner au savant et spirituel historien. Même sous l’indolent Louis XV, ce département était toujours très actif et bien renseigné sur tous les points de l’Europe. Il