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conséquence dernière la réunion achevée même par l’autorité la moins conquérante, lorsque tout moyen de séparation fut pour ainsi dire épuisé, voilà sans doute un problème et un tableau dignes de la méditation et du talent d’un écrivain qui cherche la raison de l’histoire. Les préliminaires, les circonstances, les détails en seront d’un vif intérêt, et remontent d’abord à la crise la plus dramatique de notre histoire avant 1789, le débat sur le culte national et sur la maison régnante, la lutte contre le protestantisme, et l’attaque à la dynastie par la rébellion tumultueuse ou le protectorat oppressif.

Évidemment ces révolutions aristocratiques et populaires de notre ancienne histoire ne pouvaient se produire qu’à la faveur de cette composition fédérale de notre ancienne monarchie, ayant de grands vassaux plus ou moins indépendans, et à sa porte de petits états alliés plus ou moins dépendans par le voisinage, plus ou moins enhardis à l’hostilité par les troubles intérieurs de l’état principal. C’est ainsi qu’au XVIe siècle, quoique la grande féodalité fût déjà bien affaiblie, les princes lorrains se crurent un moment en droit d’espérer et de tenter ce qu’avait fait cinq siècles auparavant Hugues Capet, lorsqu’il réunit à son comté de Paris et à son duché de France la couronne incertaine des derniers et imbéciles Carlovingiens, apportant ainsi sa dot à cette monarchie française qu’il épousait.

Mais de Hugues Capet aux Guises, les différences des deux situations étaient plus grandes que les ressemblances, et dès lors le succès ne pouvait être le même. Le point d’appui des princes lorrains était trop faible pour la hauteur de leur ambition. Leur titre non pas seulement de grands vassaux, pour une partie de leur mouvance, mais de princes possessionnés indépendans, ne suffisait pas. Être duc actuel ou futur de la Lorraine était trop peu pour absorber le reste de la France. Ces princes avaient besoin de s’appuyer sur un fanatisme populaire ou un ascendant ecclésiastique étranger. Il leur fallait être rois de Paris par la ligue, et dès lors l’ambition du plus hardi d’entre eux, forcée tantôt de s’approcher du roi véritable pour le dominer, tantôt de conspirer ouvertement contre lui à l’aide des passions d’une assemblée, était soumise aux hasards d’une entreprise qui peut tout à coup être arrêtée par un crime de palais ou par une défection populaire.

Le rôle des Guises en France est donc l’avant-scène de l’histoire locale, et pourtant assez étendue, qu’entreprend M. d’Haussonville. S’attarder longtemps à cette avant-scène, raconter ce qui est bien connu, retoucher de vieux portraits et expliquer de nouveau la ligue, c’était même une tentation qui s’offrait ici d’abord au talent; mais l’excellent esprit de l’auteur n’y a pas cédé : il aime dans les choses non pas seulement la nouveauté de la forme, mais celle du fond. Il