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maîtres. Remarquons cependant que sur les cinq expositions anglaises, il n’en est que trois qui embrassent des peintures à l’huile ; les deux autres sont réservées à l’aquarelle et au dessin.

De fait comme de nom, c’est l’Académie royale qui se place au premier rang, et par le nombre des objets exposés, et en général aussi par leur intérêt comme par la réputation des exposans. — La sculpture n’y est représentée que par 166 morceaux ; mais les envois des peintres s’y élèvent à 1,365. La foule, aussi compacte qu’à l’ordinaire, des portraits de tout genre, toiles et marbres, miniatures et dessins, offre peu matière aux commentaires de la critique, le but de ces sortes d’œuvres n’étant guère que d’achalander l’artiste qui les signe. Il y a lieu pourtant d’en signaler plusieurs où le peintre ne s’est point tenu aux simples nécessités du sujet, mais où il s’est laissé tenter par son modèle ou séduire par les agaceries de la Muse jusqu’à s’oublier dans l’amour de l’art. Le portrait d’une Dame avec ses enfans, par M. Buckner, est riche et brillant de couleur, d’une grande vérité d’expression et bien composé. M. F. Grant nous a donné une figure en pied, pleine de hardiesse et de caractère : le vétéran lord Gough, sous le costume qu’il portait pendant ses campagnes dans l’Inde ; plus un portrait de lord John Russell, où la tête est d’un beau travail, mais où les proportions du corps ont trop d’ampleur pour la petite et maigre personne de l’original. On a également de M. Knight, le secrétaire de l’académie, deux excellentes œuvres, traitées dans un style large, et qui gardent pourtant beaucoup d’individualité. En parlant des portraitistes, nous ne devons pas omettre sir J. Watson Gordon, qui jouit d’une réputation haute et bien acquise. Le meilleur de ses envois, à notre avis, est la figure en pied de M. J. C. Harter ; mais l’artiste, cette année, n’a fait tout au plus que maintenir son rang. M. Boxal enfin, avec ses quatre toiles, mérite que l’on compte avec lui pour s’être proposé quelque chose de plus que la pure ressemblance. Ses têtes respirent le sentiment de l’art, et les chairs y ont des finesses de ton et d’effet qui parlent à l’imagination. Il est à regretter que ces peintures soient gâtées par une indécision et une incertitude qui, en somme, les rendent trop incomplètes pour qu’on puisse les ranger parmi les productions du premier ordre.

Dans la classe des portraits en miniature, qui sont très nombreux, comme d’habitude, on rencontre, comme d’habitude aussi, une forte somme de talent, et entre plusieurs artistes éminens c’est toujours à sir W. Ross et à M. Thorburn que reste la primauté. Cette branche de l’art est beaucoup plus cultivée en Angleterre qu’en France : le nombre des peintres qui s’y adonnent est plus considérable, et leur supériorité ne saurait faire doute.