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public est accouru à ce chef-d’œuvre du meilleur musicien qu’ait produit l’école française, et par son empressement, par ses acclamations enthousiastes, il semble qu’il ait voulu venger la mémoire d’Hérold des outrages dont l’a abreuvé pendant sa vie une critique aussi misérable qu’impuissante. Si dans notre humble carrière nous avions à nous reprocher d’avoir méconnu un artiste tel que Hérold et une partition comme le Pré aux Clercs, nous croirions avoir perdu le droit d’émettre un avis sur l’art de Grétry, de Méhul, de Boïeldieu et de M. Auber. Nous ne ferons du Pré aux Clercs qu’un seul éloge qui les contient tous : c’est la grâce dans la vérité, c’est la vérité dans la beauté, comme il convient aux beaux-arts de la rendre. Le Pré aux Clercs est monté avec beaucoup de respect et de soin, et Mme Miolan, dans le rôle d’Isabelle, s’y élève au premier rang des cantatrices de style. Il serait injuste d’oublier Mlle Lefebvre, qui joue et chante le rôle de Nicette avec une fine coquetterie. Un acte plein de fraîcheur, les Trovatelles, recommande le nom de M. Duprato. À ce petit ouvrage ont succédé les Sabots de la Marquise, opéra-comique en un acte de MM. Carré et Jules Barbier, musique de M. Ernest Boulanger. Nous n’analyserons pas l’action inadmissible de ce libretto, d’ailleurs amusant, et que la verve de Mlle Lemercier et de M. Sainte-Foy ont sauvé du naufrage. La partition de M. Ernest Boulanger, qui s’est déjà produit à l’Opéra Comique, où il a donné le Diable à l’école, qu’on n’a pas oublié, renferme quelques morceaux de talent, d’abord les jolis couplets que chante Mlle Lemercier :

Aimons qui nous aime.
C’est le bon système,


dont la première partie est une mélodie tendre et distinguée, qui contrasta fort heureusement avec le refrain comique :

Si Nicolas m’aime,
Va pour Nicolas.


L’air que chante M. Bussine en l’honneur des plaisirs de la chasse n’est pas mal non plus; mais nous préférons les agréables couplets que débite encore Mlle Lemercier, et dont le refrain :

Voilà ce qu’il faut faire
Pour charmer et pour plaire,


est bien tourné. Toute cette partition est facilement écrite, et on l’écoute avec plaisir.

La reprise de l’Étoile du Nord a eu lieu à l’Opéra-Comique avec non moins d’éclat que celle du Pré aux Clercs. Nous n’insisterons pas sur les beautés d’un ouvrage que nous avons longuement apprécié ici lors de son apparition, et qui a fourni la brillante carrière que nous lui avions prédite. L’Étoile du Nord a déjà fait le tour de l’Europe, et a triomphé de tous les obstacles qu’on lui a suscités. La critique est parfaitement à l’aise avec Meyerbeer. Génie profond et passionné, esprit sagace et naïf, âme élevée qui se plaît dans la contemplation des idées et des sentimens généreux, l’auteur de