passages de la partition. Après ce prélude, qui n’a rien de remarquable, Pierre l’Ermite, en intervenant au milieu de soldats chrétiens qui s’entr’égorgent, chante un air d’un assez beau caractère, dont la phrase mélodique qui se trouve sous ces paroles :
Dieu puissant, daigne m’entendre,
n’est pas sans offrir un peu d’analogie avec l’air du cardinal au premier acte
de la Juive. La réponse du chœur, qui reprend à l’unisson l’idée émise par
l’éloquent prédicateur, forme un ensemble d’un bel effet et qui prépare l’auditeur à une action où domine l’élément religieux. La seconde partie de cette
composition, ce qu’on appelle la cabalette, où Pierre l’Ermite exhorte les partisans et les vassaux des deux familles ennemies à employer leur courage
contre les infidèles,
C’est Dieu qui vous appelle,
est aussi une belle phrase mélodique, une sorte d’hymne guerrier que le
chœur reprend de nouveau à l’unisson avec une allure rhythmique où tout
le monde a reconnu une imitation heureuse de la manière de Haendel, c’est-à-dire un de ces ensembles pleins de majesté, d’où l’auteur des Machabées et
du Messie faisait jaillir les éclairs de la poésie biblique. Un dessin de violoncelles, encastré, qu’on nous permette l’expression, dans le tissu de l’instrumentation de ce bel ensemble, nous paraît un effet trop ingénieux pour
la situation des personnages, et nous aurions désiré aussi que la cadence de
ce morceau, d’ailleurs remarquable, fût moins banale, et ne visât point aux
applaudissemens vulgaires.
Le duo pour soprano et ténor entre Rodolphe et Agnès, sa fiancée, renferme des parties excellentes. Lorsque Rodolphe propose à son amie de s’enfuir avec lui du château paternel et qu’il lui donne rendez-vous à minuit sous le rempart du nord : « Non, non, lui répond la pauvre fille tremblante; cette nuit est celle où tous les ans on voit apparaître l’ombre errante. — Quelle ombre ? » réplique Rodolphe. Agnès lui raconte alors la légende de la nonne sanglante :
Avant minuit les portes sont ouvertes
Par le fantôme en habits blancs ;
La nonne sanglante, à pas lents.
Traîne ses pieds sur les dalles désertes.
La phrase musicale qui traduit cette légende aux lugubres reflets est fort
remarquable, mais nous lui préférons celle qui en est le complément, la réponse de Rodolphe aux inquiétudes de son amie, où il l’encourage à profiter
de cette croyance naïve pour s’échapper avec moins de danger. Les deux
vers qui terminent cette anti-strophe :
Grand Dieu! c’est mon Agnès qui passe :
Sous tes ailes fais-la passer !
ont inspiré au musicien une page délicieuse où l’idée mélodique est illuminée