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subir, elle ne luttera pas longtemps contre l’ascendant des institutions absolutistes qui dominent dans les duchés et dans la nouvelle constitution commune. Il est permis de croire que son libéralisme a été pour quelque chose dans la rigueur des grandes puissances qui ont imposé au Danemark la publication du 28 janvier, et qu’elle est maintenant le but caché de beaucoup de ressentimens. La parole du roi et son refus de consentir à une abdication qu’un certain parti voudrait lui arracher sont presque les seules garanties de l’existence de la constitution danoise; elle disparaîtrait sans doute, sauf un secours inespéré, si elle était prochainement privée de ces garanties. Voilà le triste avenir qui s’offre en ce moment au Danemark.

J’ai entendu des hommes éminens en Danemark, partisans de la politique ministérielle, s’humilier d’avance devant ces éventualités qu’ils reconnaissent probables, et donner pour excuse la nécessité européenne. Ne devraient-ils pas dire la nécessité orientale! C’est là le nœud de la question. La différence entre le parti national et le gouvernement, c’est d’abord que le premier n’a pas voulu encore accepter les ordres de puissances étrangères évidemment intéressées à la ruine du Danemark : il n’a pas désespéré de la patrie; c’est ensuite que, dans les circonstances nouvelles que la guerre a créées, il a cru entrevoir une lueur subite, une lueur inattendue d’espérance. Ce serait la seule, puisque le dernier effort tenté par les chambres a encore échoué. L’adresse avait été présentée au roi par une députation du Folksthing, le 19 octobre ; dans la séance du 20, le cabinet (excepté les ministres du Slesvig et du Holstein, qui tiennent à constater en toute occasion qu’ils n’ont rien à faire avec les chambres de Copenhague) est venu en corps apporter la réponse royale. C’était l’ordonnance de dissolution de la seconde chambre (la première chambre, qui s’était du reste associée aux mêmes protestations, doit cesser par là même ses séances) et l’annonce de nouvelles élections pour le 1er décembre.

L’ordonnance royale était accompagnée d’une lettre ouverte adressée au Folksthing et d’une autre lettre royale à la nation danoise. Dans la première, le roi reprochait aux députés « d’avoir témoigné par toute leur conduite d’une résistance réfléchie contre son gouvernement, d’avoir, sans égard à son désir contraire, accueilli et lu des adresses hostiles, d’avoir voté une adresse osant exprimer un défaut de confiance dans les hommes que, selon son droit, sa majesté avait appelés pour lui servir de conseillers et qu’elle était bien décidée à conserver auprès d’elle, d’avoir dédaigné et regardé comme non avenu l’expédient que sa majesté avait choisi pour assurer l’unité de la monarchie et qu’elle avait proclamé à dessein absolument nécessaire (l’acte du 26 juillet), d’avoir oublié sans cesse que la diète danoise ne saurait avoir aucun droit de s’ingérer dans ce qu’il plaît à sa majesté d’ordonner concernant les parties de sa monarchie autres que le royaume de Danemark. » L’autre lettre ouverte n’était qu’une proclamation au peuple pour le sommer d’élire maintenant d’autres députés que ceux qu’il avait envoyés aux deux dernières diètes. Cette étrange proclamation se terminait par ces mots : « Ayant remarqué avec déplaisir que plusieurs de nos fonctionnaires, tant ecclésiastiques que laïques, ne se sont pas assez scrupuleusement conformés à leurs devoirs politiques envers notre