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restes froids et périssables de la constitution de la monarchie, dont il n’y a plus rien à faire. » Après que l’orage excité par ces paroles se fut apaisé, le ministre insista pour démontrer que la constitution danoise, telle qu’elle a été primitivement publiée pour toute la monarchie, n’existait plus aux yeux du gouvernement. C’était donc une prétention tout à fait illégale et bizarre de la part de la chambre de demander que le roi renvoyât son ministère, et il était encore plus singulier que la chambre nommât expressément, parmi ces ministres qu’elle désirait éloigner des affaires, les ministres des duchés de Slesvig et de Holstein. « En vérité, messieurs, disait le ministre de l’intérieur, quelques reproches que vous croyiez avoir à faire à ces deux personnes, vous accorderez bien qu’il est absolument impossible que la diète danoise ait le droit de s’ingérer dans les choix qu’il plaît à sa majesté de faire pour ce qui concerne l’administration des duchés. Que diriez-vous si les états provinciaux du Slesvig ou ceux du Holstein prétendaient savoir quels hommes le roi a l’intention de nommer pour ministres du royaume de Danemark ? Cela est impossible; une telle prétention, croyez-le bien, ne servirait qu’à rendre plus difficile à sa majesté l’accomplissement des promesses qu’elle a faites. »

Voilà qui est clair; mais avant de tirer toutes les conclusions de ces paroles, il faut achever l’analyse du débat. M. l’évêque Monrad, le chef du parti national, de l’ancien parti de l’Eyder, répondit au ministre de l’intérieur par quelques paroles nettes et incisives. Il releva surtout le mot qui avait le plus étonné la chambre, ce mot de « restes de la constitution. » Une telle expression, pensait-il, n’avait pu qu’échapper par mégarde au ministre; il avait voulu dire sans doute que, par suite de la publication du 28 janvier, les rapports entre les différentes parties de la monarchie danoise devraient être ordonnés autrement qu’on s’était proposé de le faire quand on a publié la constitution, et c’était dans sa bouche, à son avis, une très malheureuse expression de dire que le rescrit royal du 28 janvier 1852 eût annulé ou transformé la constitution, quand on lisait au contraire dans ce rescrit : « Il ne peut s’élever aucun doute au sujet de notre ferme volonté de maintenir inviolablement la constitution danoise.» Comment, en présence de ces paroles royales, venir parler des restes de la constitution! La constitution avait conservé toute la signification, toute l’étendue qu’elle avait d’abord; mais le but final désigné par la publication du 28 janvier était à la vérité différent de celui qu’on avait fixé primitivement. Du reste l’orateur regrettait avec franchise, non sans malice, que le ministère ne voulût pas s’expliquer devant le Folksthing sur l’ordonnance du 26 juillet. « Il paraît que cette ordonnance, dit-il, est un acte trop haut placé pour qu’il en puisse être question ici; c’est une de ces grandes affaires communes auxquelles nous ne devons pas atteindre; nous sommes trop petits pour cela. » Mais si le ministère ne voulait pas discuter devant les chambres la légalité de cet acte, — raison de plus, soutenait M. Monrad, pour que les chambres offrissent au ministère l’occasion de s’expliquer ailleurs, devant une autre assemblée, devant la cour suprême. « D’après ma conviction profonde et d’après celle des jurisconsultes que j’ai eu l’occasion d’interroger, déclara l’orateur, le ministère, en publiant l’ordonnance du 26 juillet, a violé la constitution et s’est rendu passible d’une