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tantôt le régime paisible du fleuve qui a baigné les quais de la capitale de la France. Nulle région n’est plus propre que celle dont Quillebœuf est le centre à montrer ce que certaines localités peuvent offrir à la science de problèmes divers à résoudre et de phénomènes à observer.

Avant tout, il faut dire un mot de la population de ce port de sauvetage. Quillebœuf a le privilège de fournir à la navigation de la Seine et de l’Océan, en dehors de l’embouchure du fleuve, une pépinière de hardis pilotes, qui, aguerris par les dangers de la difficile navigation de ces parages, vont trouver en mer les navires qui arrivent au Havre et à Honfleur, et les guident avec sûreté dans nos ports. Lorsque par un temps désastreux ou de grosse mer, et surtout de fatale brume, on aperçoit au large un esquif ballotté par les vagues comme une mouette maritime, on reconnaît un pilote de Quillebœuf placé comme une bouée de sauvetage pour les vaisseaux qui abordent en France. Un nombre considérable de ces habiles marins guident aujourd’hui nos vaisseaux dans la Mer-Noire et dans la Baltique. Ils se distinguent par leur zèle, comme par leur capacité et leur intrépidité. On se loue de leur caractère facile comme de leur intelligence.

En moins de deux heures et demie, on franchit l’intervalle de Paris à Rouen, qui exigeait précédemment quinze ou seize heures de voitures incommodes. On peut voir, dans une épître de Jean-Baptiste Rousseau, appelé dans le XVIIIe siècle le grand Rousseau, qu’il met quatre jours pour arriver de Paris

A Rouen, séjour du sophisme.


Ce Rouen qu’un autre poète apostrophait ainsi :

Cette ville où l’on voit le commerce insolent
Estimer le coton bien plus que le talent.

Lorsqu’on pense que cette belle cité est la patrie des deux Corneille et de Fontenelle, qu’elle est ornée de magnifiques édifices anciens et modernes, et qu’une race vigoureuse et active joint les avantages du commerce à ceux des travaux de nombreuses manufactures, on est peu disposé à trouver du sophisme dans les intelligens efforts qui ont produit là une noble et riche ville de cent mille habitans. Quant aux grandes basiliques qui, à Rouen, à Caen et dans une foule d’autres localités, ont signalé par leur construction gigantesque l’époque du moyen âge, je saisis cette occasion de faire connaître le motif d’économie politique qui a présidé à leur érection, d’autant plus que l’emploi des mêmes efforts, dirigés vers un but mieux assorti aux tendances utilitaires de notre époque, pourrait conduire à de notables améliorations dans le régime agricole d’un