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« Beaucoup de musiciens sont engagés, des chanteuses aussi, des cigales du grand monde.

« Les butors, les frelons, les taons, les bourdons sonneront de la trompette et battront du tambour.

« Ils joueront la musique de la noce ; déjà voici venir tous les hôtes aux ailes bigarrées.

« Voici venir toute la famille, parée et joyeuse. À vrai dire, il y a dans le nombre beaucoup de vilains insectes.

« Les sauterelles et les guêpes, les tantes et les cousines arrivent. Les trompettes retentissent.

« La taupe, pasteur en robe noire, se présente aussi. — Il se fait tard déjà.

« Les cloches sonnent, bim-bam, bim-bam… Où reste mon cher fiancé ? »

Bim-bam, bim-bam, répète la cloche. Mais le fiancé volait toujours là-bas, bien loin, bien loin…

Les cloches sonnent, bim-bam, bim-bam. — Où reste donc mon fiancé chéri ?

Le fiancé, pendant ce temps-là, s’était posé bien loin, sur un tas de fumier.

Il y resta sept ans, jusqu’à ce que la fiancée fût morte et pourrie.

XIV.
MIMI.

« Je ne suis pas une petite chatte bourgeoise et morale. Je ne tourne pas mon rouet dans une chambre de dévote. Sur le toit, au grand air, je suis une chatte libre.

« Lorsque je rêve sur le toit, pendant les nuits d’été, à la fraîcheur, la musique gronde et ronfle dans mon cœur, et je chante ce que je sens. »

Ainsi parla Mimi. Aussitôt de son cœur jaillissent de sauvages chants de fiançailles, et l’harmonie attire de toutes parts les jeunes gars de la tribu des chats.

Tous les jeunes gars de la tribu des chats grondant, grommelant, ils viennent tous, ils viennent faire de la musique avec Mimi, ardens d’amour, altérés de plaisir.

Ce ne sont pas des virtuoses qu’un art profane dégrade pour un salaire ; tous ils restent les apôtres de l’harmonie sacrée.

Ils n’ont pas besoin d’instrumens ; ils sont eux-mêmes violon et flûte ; leurs ventres sont des timbales, leurs nez sont des trompettes.

Ils élèvent toutes leurs voix ensemble dans un majestueux tutti ; ce sont des fugues comme celles de Bach et de Gui d’Arezzo.

Ce sont des symphonies folles comme des caprices de Beethoven et de Berlioz ; oui, ce sont des grondemens, des ronflemens fantastiques.

Merveilleuse puissance des sons ! accens magiques et sans pareils ! ils émeuvent le ciel même, et les étoiles pâlissent.

À ces magiques accens, à cette merveilleuse harmonie, Sélène, au haut des cieux, voile sa face d’un crêpe de nuages.

Seule, la méchante langue, la vieille prima donna, Philoméla enfin, seule elle fait la moue, et renifle, et dédaigne le chant de Mimi. — Ame froide !