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innée des jeunes gens en général et des jeunes carbonari en particulier ; il n’y avait donc rien à attendre d’eux.

Heureusement l’oncle Jean, moins fiévreux que son neveu, avait glané un à un tous les détails de l’affaire. Fantasio et ses compagnons étaient purement et simplement accusés d’avoir fait partie d’une société secrète. Le cas, quoique grave, ne pouvait cependant pas entraîner une condamnation capitale. Une commission nommée par le roi Charles-Félix usa d’indulgence, et déclara qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre. Fantasio reçut des passeports et partit pour la France. Lorenzo et son frère l’accompagnèrent jusqu’à la diligence et lui firent leurs adieux. « Ayez bon courage, leur dit-il, conservez le feu sacré et aimez-moi toujours. Vous aurez bientôt de mes nouvelles. » Ils en eurent effectivement bientôt après. Heureux eussent-ils été s’ils n’en avaient pas reçu !

En effet, un matin que Lorenzo était occupé à fumer dans son étude en attendant des cliens qui ne se hâtaient pas d’arriver, on frappe à la porte, et on lui remet une lettre signée Lazzarino. Cette lettre l’informait qu’une compagnie d’assurances établie à Marseille désirait fonder une maison de correspondance à Gênes, et on priait Lorenzo de vouloir bien se rendre le lendemain dans un quartier qu’on désignait pour traiter de cette affaire. Lorenzo va au rendez-vous, et se trouve face à face avec un petit homme bavard, remuant, affairé, plein de mystères et de chuchotemens, un de ces dévoués, indiscrets et compromettans conspirateurs dont le silence même est toujours plein de révélations, et dont la prudence est plus dangereuse que les étourderies d’autres personnes. — « Ah ! ah ! n’ai-je pas bien arrangé toute cette affaire ? s’écrie-t-il dès qu’il aperçoit Lorenzo. — Mais quelle affaire ? Soyez assez bon pour m’expliquer… — Bien, bien, tout va bien. Lorsque Lazzarino entreprend un message, ah ! ah ! Lazzarino est connu, et ce n’est pas à moi d’en dire davantage sur ce sujet (il se frappe la poitrine), on peut s’y fier. Tout est en sûreté là. — Si je comprends bien, vous avez un message à me remettre. — Un message ! Donnez-lui ce nom si cela vous fait plaisir ; Fantasio l’a nommé autrement lorsqu’il me l’a confié. — Lazzarino, m’a-t-il dit, voilà une bombe chargée, une bombe avec mèche allumée. Promettez-vous de la remettre intacte à mes amis ? — Certes, dis-je. — Faites attention, c’est une affaire de vie ou de mort, et plutôt que de laisser tomber ce message entre d’autres mains que celles auxquelles il est destiné, vous devez le réduire, et vous avec lui, en poussière. Voulez-vous vous en charger ? — Certes, dis-je… Et il est là. (Se frappant de nouveau la poitrine.) Que dites-vous de cela ? hein ! » Malgré sa vantardise, Lazzarino, comme il le prouva, était un homme à qui on pouvait se fier, et Fantasio, avec sa connaissance