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analogues, n’ont pas tardé à être attaqués par ces affections et sont devenus victimes de leur propre fraude : c’est là un second fait, moins fréquent sans doute que le précédent, mais dont la possibilité a été plus d’une fois constatée par des médecins. L’imitation, ou, pour mieux parler, la contagion de l’exemple, est aussi à son tour un moyen de propagation pour le mal. Ces affections nerveuses ou tout au moins intimement liées à un désordre du système nerveux, dont il est si dangereux de simuler les symptômes, se transmettent uniquement par la vue de ceux qui en souffrent, bien souvent sur la nouvelle qu’une personne en a été atteinte. C’est ainsi que l’on a eu des contagions d’épilepsie, de chorée, de folie, de suicide, d’hystérie. Ne faisons-nous pas journellement l’expérience que certains spasmes nerveux, le rire, le bâillement, se gagnent par imitation ?

Si l’imagination peut faire contracter une maladie par l’ébranlement puissant qu’elle imprime à l’organisme, elle peut aussi, en vertu d’une action inverse, suspendre l’effet d’un mal dont nous étions attaqués. Elle change jusqu’à un certain point les conditions biologiques et opère une révolution analogue à celle que l’art médical cherche à obtenir dans les momens de crise. Dans l’aliénation mentale déjà, on voit, sous l’empire de l’excitation intellectuelle, la douleur disparaître, les organes acquérir une insensibilité qui rend le fou indifférent aux mutilations et aux brûlures, qui lui permet de s’exposer impunément au froid, à l’humidité, lui fait braver la faim et la privation de sommeil. Il en est de même dans une grande exaltation religieuse. L’Hindoustan offre le spectacle de misérables fanatiques se soumettant par dévotion aux supplices les plus atroces, ou parvenant, par une incroyable persévérance de volonté, à triompher des besoins les plus instinctifs. Pour des douleurs physiques moins graves que celles dont se jouent les sannyasis de l’Inde, une forte préoccupation suffit à les faire oublier. Dans la chaleur du combat, souvent le soldat ne s’aperçoit pas de blessures qui, dans d’autres occasions, lui causeraient des douleurs cuisantes; on a vu de violons maux de dents ou des accès de névralgie disparaître tout à coup, lorsque l’attention était puissamment détournée vers un objet extérieur.

Ce ne sont là que les premiers degrés de la réaction du moral sur le physique. Cette réaction peut, comme on le voit, paralyser la douleur : un pas de plus, elle guérira le mal, et c’est en effet ce qui souvent a eu lieu. Ces cures nombreuses qui se sont opérées et qui s’opèrent encore dans les pèlerinages, près des reliques et des tombeaux des saints, qui ont été également constatées chez les bouddhistes et les musulmans, aux stupas ou aux marabouts, cures que l’on retrouve dans l’antiquité aux temples d’Esculape ou de Sérapis, que produisait par exemple le contact de l’os prétendu de l’épaule