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manquer à la condition essentielle de son couronnement. On se doute bien que le certificat d’Anastase eut le sort de beaucoup de chartes, programmes, sermens, concessions de tout genre, faits, octroyés, subis, à toutes les époques, sous la dictée de la nécessité.

Tout marcha bien d’abord : Anastase administrait sagement ; il était économe des deniers publics, ennemi de la corruption et de la vénalité des charges, bienveillant pour les personnes ; il abolit des impôts odieux, apporta des réformes dans les mœurs et défendit entre autres choses les combats sanglans des hommes contre les bêtes. Dans sa vie privée, il était dévot sans être chrétien, allait à l’église avant le jour, jeûnait, faisait de grandes aumônes ; le peuple le regardait comme un saint, et criait sur son passage : « César, règne comme tu as vécu ! » Mais bientôt les sectaires, ses anciens compagnons d’hérésie, commencèrent à l’assiéger, et le pouvoir de tout faire réveilla en lui le démon du prosélytisme religieux. Né d’une mère manichéenne, Anastase avait sucé avec le lait le goût des rêveries persanes qu’il mêlait secrètement à son christianisme : c’était la tendance particulière de son esprit. Les vrais chrétiens, à ses yeux, se trouvaient dans cette bizarre école dirigée par un esclave persan devenu évêque, et où l’on prétendait marier la religion de Zoroastre à celle du Christ. Anastase en répandit les missionnaires dans tout l’Orient. Lui-même se fit construire au palais impérial un oratoire dont les murs étaient couverts de figures d’animaux et de symboles de toute sorte en usage chez les manichéens et les gnostiques. Enfin le bruit courut qu’il travaillait à une nouvelle traduction des Évangiles, attendu, disait-il, que la version vulgaire était incorrecte et rustique. Ces essais d’immixtion aux choses religieuses eurent lieu d’abord avec quelque prudence ; ce qui retenait l’empereur, c’était son engagement écrit d’observer les canons du concile de Chalcédoine, engagement gardé au trésor de l’église de Constantinople en même temps que les actes eux-mêmes du concile. Rien ne lui eût coûté pour le tenir en sa possession : il essaya de corrompre le trésorier Macédonius, devenu patriarche de Constantinople, il essaya de l’effrayer, le tout sans succès. Il fut plus heureux avec les actes originaux du concile, qu’un prêtre lui livra pour de l’argent, et qu’il déchira et brûla de sa main. L’insensé crut voir son serment s’exhaler dans la flamme avec ces pages qu’il avait juré de maintenir.

La conscience ainsi allégée, Anastase ouvrit une campagne contre le catholicisme : son plan d’attaque ne manqua ni d’habileté ni de puissance. Il remit en vigueur l’hénotique de Zénon, qui avait le caractère d’une loi de l’empire, et tout en affectant un grand zèle pour ce formulaire qui anathématisait tous les autres, il lâcha la bride aux nestoriens, aux eutychéens, aux ariens, en un mot à tout