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Près du Bas-Danube, entre ce fleuve et le Dnieper, habitaient toujours des Huns sans dénomination spéciale, postérité directe et non mélangée des bandes d’Attila. Les contrées au-delà du Dnieper, en tournant les Palus-Méotides et les steppes du Caucase, appartenaient aux deux grandes hordes des Huns coutrigours et des Huns outigours, dont le cours sinueux du Don séparait les campemens : les Coutrigours campaient à l’occident des Palus-Méotides, les Outigours à l’orient. Le nom de ces hordes indiquait, par sa composition même, où entrait le mot d’ouigour ou ougour, qu’elles s’étaient formées par la fusion des anciens Huns (l’histoire nous atteste qu’elles en sortaient) avec ces peuplades ougouriennes qui parcouraient alors, pures ou mélangées, le grand trapèze borné par le Volga, la Caspienne et la chaîne de l’Oural. Les Ougours étaient eux-mêmes des Huns du rameau oriental ou blanc. Lorsqu’en 375 les Huns noirs, les Finno-Huns, envahirent l’Europe orientale, sous la conduite de Balamber, ils entraînèrent dans leur mouvement des tribus ougouriennes : Attila en comptait plusieurs dans son armée, Denghizikh en eut davantage, et à la faveur des dernières discordes, elles avaient fait un grand pas de plus en Occident. Arrière-garde des Huns noirs dans ce trop-plein que l’Asie septentrionale versait sur l’Europe, elles étaient l’avant-garde des Turks, avant-garde eux-mêmes des Mongols. Au-delà des Coutrigours et des Outigours, vers le nord et sur le moyen Volga, paraissait un peuple hunno-finnois, encore étranger à l’Europe, où il devait acquérir bientôt une triste célébrité, — le peuple bulgare, descendu récemment des hauts plateaux de la Sibérie. Échelonnés ainsi entre l’Europe et l’Asie, ces groupes divers représentaient avec quelques mélanges l’empire d’Attila, et venaient réclamer son héritage dans la dévastation du monde romain.

Tout groupement nouveau, toute transformation des peuples nomades est suivie d’une expansion au dehors : c’est la loi de ces sociétés des steppes et le secret de bien des conquêtes. Les Huns du Danube, comme pour échapper à leurs agitations intérieures, se mirent à déborder sur leurs voisins, et, trouvant au midi la rive romaine bien gardée, ils se reversèrent à l’ouest, dans les vastes plaines d’où descendent le Bug, le Dniester et le Dnieper. Ils y rencontrèrent des barbares tout aussi féroces et plus pauvres qu’eux, les Antes, dont les nombreux essaims, répandus sur le cours moyen de ces fleuves, se prolongeaient vers le nord jusqu’aux limites des populations finnoises. Les Antes formaient le rameau oriental des nations slaves, et on s’accorde à les considérer comme les ancêtres des Russes. Quand les Huns s’aperçurent qu’ils avaient plus à perdre qu’à gagner avec de tels ennemis, ils leur tendirent fraternellement la main, leur proposant d’aller piller de compagnie les riches provinces du