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HISTOIRE MUSICALE





RUBINI





L’un des chanteurs italiens les plus populaires et les plus admirés de l’Europe, Rubini, est mort à Romano, village près de Bergame, le 2 mars 1854. Retiré du théâtre depuis l’année 1845, il se reposait de ses longues fatigues dans une villa somptueuse qu’il avait édifiée aux sons de sa lyre, comme le fils de Jupiter, Amphion, avait construit jadis la ville de Thèbes, lorsque la mort est venue le surprendre âgé à peine de soixante et un ans. Comme tous les grands artistes qui ont vivement excité l’enthousiasme du public, Rubini a été le sujet d’un grand nombre d’historiettes et d’anecdotes apocryphes, d’où il est fort difficile d’extraire cette vérité aimable qui seule est digne d’intéresser les esprits cultivés. Nous essaierons cependant de choisir quelques faits précis de la vie de ce virtuose célèbre, qui laissera une trace ineffaçable dans l’histoire de l’art de chanter au XIXe siècle.

Giam-Battista Rubini était né au mois de mai 1793, dans le village de Romano, près de Bergame. Fils d’un pauvre messager chargé de famille, Rubini fut d’abord destiné à être un humble tailleur. Placé en apprentissage dans un atelier de Bergame, il était un jour accroupi sur un établi et chantait comme un bienheureux, lorsque passa dans la rue un dilettante qui écouta d’une oreille surprise cette voix d’adolescent déjà timbrée et pleine de charme. Le dilettante s’approche du jeune ouvrier, le questionne sur sa famille, va trouver son père et le décide à mettre son fils dans une maîtrise où il est resté jusqu’à l’âge de dix-huit ans.

Nous passons sur une foule d’épisodes plus ou moins vraisemblables et piquans, qui paraissent avoir exercé la fantaisie des biographes, pour dire tout simplement que l’admirable artiste qui a étonné l’Europe a commencé sa carrière dramatique en chantant dans les chœurs. Sur une vieille affiche du théâtre de la Scala, à Milan, de l’année 1812, que Rubini avait conservée et