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Bas-Euphrate, les réponses qu’il a adressées à ce sujet, soit à l’administration, soit au secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres. « Je m’estime heureux, dit-il, que ma détresse financière m’ait empêché de tenter, aux dépens de la France, une expérience coûteuse et improductive. M. Loftus, envoyé par une société de souscripteurs, au nombre desquels le le roi de Prusse figure pour une somme de 50,000 francs, vient de passer quatre mois à explorer la Chaldée, et n’en a presque rien rapporté. Sur une localité voisine de Warkah, à Sunderah, il a découvert des empreintes de cylindres, bien conservés à la vérité, mais sur terre crue, rien en terre cuite, si ce n’est une seule statue acéphale, rien en marbre, albâtre, basalte, pierre dure, etc., point de sculptures, etc. »

M. Fresnel ajoute, dans la lettre qu’il a adressée au secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres : « Il n’y a pas bien longtemps que je regardais comme une des plus grandes infortunes l’impossibilité où je me trouvais d’explorer Niffar et Warkah, deux sites de la région du Bas-Euphrate qui m’étaient particulièrement recommandés. Plus de regrets ! Je remercie aujourd’hui la Providence d’avoir réservé à d’autres que nous les frais d’une exploration qui probablement n’eût pas été plus profitable à la France qu’elle ne l’a été à l’Angleterre. On sait en France, depuis la dernière publication de M. Layard, Discoveries in the ruins of Niniveh and Babylon, le peu qu’il recueillit à Babylone et à Niffar, malgré tous les moyens de succès que la prudence conseille et que l’argent réalise. Restait donc Warkah, où l’on espérait trouver les plus anciennes annales du monde… Nouvelle illusion ! Revenu tout récemment d’Angleterre avec l’intention d’explorer ce point avant tout autre, M. Loftus s’y rendit de Bagdad en novembre dernier, et dut l’abandonner après deux mois d’un travail improductif. Il a été moins malheureux sur une localité voisine, nommée Sunderah, où il a trouvé un assez grand nombre de tablettes, dites astrologiques ou astronomiques, d’une belle conservation, mais qui, je pense, n’intéressent que faiblement le savant ou l’artiste. C’est donc aux environs de Mossoul, en Assyrie et Haute-Mésopotamie, qu’il faut chercher un nouveau musée, ce qui s’explique d’ailleurs de la manière la plus simple par la différence des matériaux employés dans les constructions assyriennes ou babyloniennes. »

M. Fresnel, insistant sur cette différence, continue en ces termes : « Je ne veux pas surfaire mon abnégation, car je persiste à croire que, si mon lot est ingrat et stérile à la surface, il est riche au fond, et que si j’avais les moyens de fouiller les ruines de la Basse-Mésopotamie à une grande profondeur, j’arriverais à des monumens d’une haute valeur. Malheureusement pour nous, la matière de nos tumulus, qui n’est en général que briques cuites réduites en fragmens et poussière, ne permet que bien rarement un travail souterrain. Il est aisé de pratiquer des galeries dans les tumulus assyriens, résultant de l’écrasement d’un énorme ensemble de briques crues, matière intégrante de tous les murs ninivites et recouvrant les dalles d’albâtre qui en formaient jadis le revêtement. On conçoit que sous ces masses énormes de terres alluviales compactes, une multitude d’objets précieux se soient conservés pendant des dizaines de siècles ; mais ici, à Babylone, au Kasr, par exemple, il faut travailler à ciel ouvert, si l’on ne veut pas