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l’artiste chaldéen, grec ou persan, qui avait entrepris l’exécution de ce morceau de sculpture, n’avait jamais achevé son travail, que de plus les barbares ont mutilé. Par exemple, le mufle du lion a été intégralement enlevé. M. Fresnel ajoute que le même sujet, exécuté en marbre blanc et couvert d’inscriptions cunéiformes, se retrouve à Suse, l’ancienne résidence des rois de Perse ; c’est donc un sujet essentiellement persan et nullement babylonien ou chaldéen. Et comme le sculpteur persan a laissé son groupe inachevé, il est plus que probable qu’il se rapporte au règne du dernier Darius, Darius-Codoman, en qui s’éteignit la dynastie des Achéménides. On songea un moment à faire rapporter en France ce groupe colossal, mais son état de dégradation et l’énorme dépense qu’eût occasionnée le transport ont fait abandonner ce projet.

L’une des découvertes les plus intéressantes qui aient été faites par l’expédition française est celle des tombeaux trouvés dans le tumulus d’Amran-ibn-Ali, au sud du Kasr, et que l’on regarde comme la partie la plus ancienne de Babylone. Ce monticule, ainsi que les groupes d’Homayra et de Babel, faisait partie des palais royaux de la rive gauche de l’Euphrate. Des tranchées, ouvertes sur un point que les sakkarah nomment El-Kohour (les tombeaux), ont amené la découverte de plusieurs sarcophages renfermant des squelettes bardés de fer et portant des couronnes d’or. Les squelettes, à l’exception de quelques parties du crâne, étaient réduits en poussière ; mais le fer, bien qu’oxydé, et l’or des couronnes sont encore parfaitement distincts et pondérables. M. Fresnel regarde ces tombeaux comme macédoniens et les rapporte aux compagnons d’Alexandre ou de Séleucus. Les couronnes d’or ne sont, à proprement parler, qu’un bandeau ou frontal, garni de six feuilles de laurier ou d’une sorte de peuplier du pays, trois à droite, trois à gauche, ayant leurs pointes tournées vers le milieu du front. La ciselure de ces feuilles est assez délicate, et les nervures sont nettement accusées. Au- dessous du bandeau, on rencontre toujours une certaine quantité d’or en feuilles qui couvrait probablement les yeux, ou qui tenait lieu du masque d’or réservé aux riches dans d’autres contrées. La quantité de fer qui accompagne quelques-uns de ces cadavres est tout à fait surprenante. L’un d’eux était comme enveloppé tout entier d’une bande de ce métal de 7 centimètres de largeur sur 4 mètres 40 centimètres de longueur. Dans l’un de ces tombeaux, on a rencontré des pendans d’oreilles et point de fer. C’était sans doute le tombeau de la femme d’un des guerriers.

La construction de ces sarcophages gréco-babyloniens est des plus simples. Ce sont de petits murs parallèles distans l’un de l’autre de 70 centimètres et longs de 2 mètres 70 centimètres, construits en briques ou mortier de plâtre ; ces murs sont surmontés d’un toit dont les versans sont formés de briques juxtaposées à plat ; d’autres briques entières scellées avec le plâtre ferment exactement chacun des bouts du tombeau.

Non loin des tombeaux d’Amran, on a découvert un autre tombeau de femme d’une construction identique. Ce tombeau renfermait plusieurs statuettes en marbre ou en albâtre représentant vénus, Junon, et un personnage coiffé d’un bonnet phrygien, à demi couché. C’est un ouvrage grec d’une assez bonne exécution. Ce même tombeau renfermait des bijoux, tels