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de nous faire connaître l’état actuel de décomposition de la vieille cité que les imprécations des prophètes ont rendue si fameuse.


II.

La mission de Babylonie avait été instituée, nous l’avons dit, en même temps que celle de la Haute-Mésopotamie, dans les derniers mois de l’année 1851. Au moment où ses membres quittaient la France, nous exprimions ici même en ces termes les espérances qui s’attachaient aux deux explorations projetées : « Dans quelques semaines, ces courageux missionnaires de l’art vont être à l’œuvre, Babylone et Ninive n’auront plus de mystères pour eux, et qui peut prévoir les surprises nouvelles que leur ménagent ces plaines de la Mésopotamie, qui naguère nous ont révélé tout un art et le vieux sol de la Chaldée ? C’est là qu’apparurent les premières villes que l’homme ait fondées : Babylone, Achad, Resen, Chalé, Nachor, Ur, la ville d’Abraham. Quel intérêt offriront à leurs recherches les ruines de ces cités, contemporaines des premiers âges du monde ! »

On a vu plus haut que, pour ce qui concerne la Haute-Mésopotamie, nos prévisions avaient été justifiées, et nous avons fait connaître les beaux résultats de l’exploration de M. Place. Si la mission de Babylonie a été moins heureuse et n’a pas produit tout ce qu’on en attendait, M. Fresnel, qui la dirigeait, et MM. Oppert et Thomas, ses courageux collaborateurs, ne s’en sont pas moins livrés à cette exploration sérieuse du sol de Babylone, que l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres avait réclamée. Longtemps renfermée dans Bagdad par une de ces guerres ou révoltes locales dont ce pays est si souvent le théâtre, ce ne fut que vers le commencement de l’été de 1852 que la mission de Babylonie put commencer ses travaux. MM. Oppert et Thomas, dans une première excursion à Séleucie et à Ctésiphon, mesurèrent et dessinèrent dans cette dernière ville la magnifique ruine appelée l’arc-de Cosroès, construction à la fois babylonienne et byzantine, qui, selon M. Oppert, n’a résisté aux vols des constructeurs de Bagdad que par sa surprenante solidité, tout le reste de Ctésiphon ayant été transporté dans cette ville. Les voyageurs reconnurent que la Mésopotamie, à la hauteur de Bagdad, avait été couverte successivement de centres de population très considérables. En effet, tout l’espace compris entre Séleucie et Hillah est couvert de débris de poteries et de briques appartenant à des constructions de différentes époques. MM. Oppert et Thomas, après être restés deux jours à Ctésiphon, revinrent de nuit à Bagdad. « Je ne suis pas de ces hommes à clair de lune comme on en trouve en Germanie, dit M. Oppert, mais l’aspect de Ctésiphon et de Séleucie vus au clair de lune a réellement quelque chose de saisissant. »

Cette excursion avait lieu en juin 1852 ; le 7 juillet suivant, M. Fresnel et ses compagnons s’étaient établis à Hillah sur le sol même de l’ancienne Babylone ; le 15, les fouilles et l’exploration de la ville biblique commencèrent.

Cette exploration porta d’abord sur le tumulus du Kasr et sur le groupe d’Amran-ibn-Ali, où furent ouvertes les premières tranchées. Ces fouilles furent assez productives en petits objets, en pierres dures, en statuettes et terres cuites d’un travail grec ou parthe, ces dernières d’un style tout à fait