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C’est ici que les rabbins, originaires de Babylone, placent le théâtre de la confusion des langues, et, chose remarquable, le nom de Borsippa peut s’expliquer par Tour des langues. Le Birs-Nîmroud domine le panorama de Babylone, de quelque partie qu’on le voie. À 200 mètres de là s’élèvent les tumulus immenses d’Ibrahim-el-Khalil, où, d’après les auteurs orientaux, le patriarche ou premier musulman Abraham a été jeté dans une fournaise ardente par ordre de Nemrod. Je place ici les temples de Borsippa dont parle Nabuchodonosor et la nécropole des Chaldéens ; une inscription trouvée sur ce point dans un tombeau est datée de Borsippa, le 30 du mois (illisible) de la quinzième année de Nabonide, 540 ans avant Jésus-Christ.

« Placé sur le minaret d’Hillah, on aperçoit dans le lointain, à la distance de quatre heures, et dans la direction du sud, la belle forêt de Sameri, entourée de tumulus. À travers une éclaircie, on voit la ruine Mouckkallah, à la limite de l’antique Babylone, avec les temples de Dowayra et de Deylem, si ce dernier amas de poussière, comparable à un plateau assez étendu, ne représente pas plutôt une des fortifications de l’ancienne ville.

« En se tournant toujours vers la gauche, les palmiers de Tenhareh et de Dablâh laissent apercevoir le filet argenté de l’Euphrate, sur la rive gauche duquel l’œil ne rencontre qu’une plaine aride, sans ces plantations de palmiers qui donnent un certain charme à l’aspect de la rive arabe. Quelques tumulus clair-semés, mais cachés à l’observateur placé sur le minaret, ne peuvent interrompre la triste monotonie de ces parages. Le plus méridional et le plus considérable de ces tumulus porte le nom de Moudejlibéh, et peut avoir fait partie de l’enceinte de Babylone. Ce n’est qu’au nord-est que l’œil trouve un point de repos que lui offre la grande masse de l’Oheymir et des tumulus qui l’entourent. C’est ici que je place la partie nord-est de la ville de Nabuchodonosor.

« Maintenant, en nous tournant vers le nord, nous apercevons la forêt et la coupole de Ali-Ibn-Hassan, évidemment bâtie sur l’emplacement d’un ancien temple, et plus dans le lointain une mosquée consacrée au roi Salomon, qui représente également un édifice antique. Tout à fait au nord de Hillah apparaît Babel, dont la partie supérieure seule émerge des palmiers qui bordent les rives de l’Euphrate, de Hillah jusqu’à Soura. Une éclaircie nous laisse apercevoir le tumulus d’Amran avec ses coupoles ; mais la végétation cache entièrement le Kasr.

« En quittant maintenant la Mésopotamie pour rentrer en Arabie, on voit au loin, comme une ondulation interrompant la ligne droite de l’horizon, le Khodr, et on rencontre successivement, dans le vaste désert du nord-ouest, le Cheikh-Edris avec une mosquée ornée de peintures grotesques, le Sheteigheh et le Tell-Ghazalik. Vers le sud-ouest, la végétation recommence ; les palmiers de Tahmasia et de Scherifeh, s’élevant sur des terrains jadis sacrés, cachent à la vue les marais et les eaux de Hindigeh, qui se montrent vers le sud-ouest, et qui nous ramènent vers le Birs-Nimroud, d’où nous étions partis. »

Cette description de M. Oppert, l’un des membres les plus éclairés et les plus actifs de la mission française de Babylonie, nous conduit naturellement sur le terrain qu’elle a exploré. Un rapide examen de ses travaux achèvera