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du romantisme italien, Gioja, Tommaseo Grossi, Alexandre Manzoni, et fonda à Milan au commencement de ce siècle le Conciliatore, vif et brillant organe de la rénovation littéraire. Les Romanze storiche de M. Pierre Monti se rattachent avec honneur aux Vecchie romanze spagnuole de Giovanni Berchet. Comme son docte devancier, M. Monti est un critique habile et un écrivain de talent : par ses belles traductions de Lope de Vega et de Calderon, il avait déjà rendu de grands services aux lettres italiennes; les Romanze storiche, avec les intéressantes notices qui les accompagnent, peuvent être signalées comme un des meilleurs produits de l’érudition littéraire dans ces dernières années. Mais c’est en Allemagne surtout que le Romancero a été l’objet de profondes études. Quand les écrivains français, anglais, italiens, se sont occupés des chants populaires de l’Espagne, ils l’ont fait, comme cela est naturel, à l’aide des travaux publiés en Espagne; plus hardis ou plus heureux, les érudits allemands ont eu sur ce point le mérite d’une féconde initiative, ce sont eux qui ont révélé à l’Espagne elle-même les merveilleuses richesses qu’elle négligeait. A une époque où personne encore n’avait étudié le Romancero à la lumière d’une critique sérieuse, M. Jacob Grimm publiait sa Silva de Romances viejos (Vienne 1815), et M. Depping son premier recueil de romances (1817). Depuis lors bien des éditions se sont succédé : en Espagne celles de don Agustin Duran (1832) et de don Eugenio Ochoa (1838), en Allemagne celle de M. Adalbert Keller (Stuttgart 1840), — et don Agustin Duran, l’un des plus courageux explorateurs de cette vieille littérature castillane, a été obligé de dire dans une publication récente : « Les premières anthologies de romances régulièrement conçues appartiennent à l’Allemagne. Ce sont des Allemands qui ont le plus fait pour l’histoire de notre littérature, de notre poésie, de notre théâtre, de nos chroniques. » Le livre où don Agustin Duran s’exprime en termes si flatteurs pour l’Allemagne est le dernier et le plus complet de tous les romanceros publiés jusqu’à ce jour ; il a paru à Madrid de 1849 à 1851, en deux volumes in-8o, sous ce titre : Romancero general, o Colleccion de Romances castellanos anteriores al siglo XVIII, recogidos, ordenados, clasificados, y anotados por don Agustin Duran. L’originalité de ce recueil, ce n’est pas seulement qu’il est plus complet que tous les autres, c’est surtout que l’éditeur a essayé une division nouvelle. Don Agustin Duran ne se préoccupe plus de la nature du sujet, il cherche à fixer l’époque où chaque romance fut composée. Malheureusement je n’y trouve pas le tableau que j’indiquais tout à l’heure; l’auteur, pour opérer son classement, se fonde avant tout sur les modifications de la langue, comme si des chants transmis de bouche en bouche ne devaient pas changer de vêtemens à chaque période, et comme si telle romance, dont l’inspiration est du XIIIe ou du XIVe siècle, ne pouvait appartenir par le style au XVe ou au XVIe ! N’importe, c’est là un heureux commencement; il fallait d’abord distribuer les romances d’après les dates de l’idiome, avant de chercher à les classer (travail bien autrement périlleux) suivant l’inspiration historique qu’elles reproduisent. Don Agustin Duran, qui rend si généreusement hommage à ses devanciers d’Allemagne, reprend et donne ici l’avantage à son pays; le plus riche et le plus savant des romanceros, c’est à Madrid maintenant qu’il faut aller le chercher.

La Chanson du Cid, le romancero du Cid et tous les autres romanceros