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chat quelle heure il est, etc. ; mais quelque estimables que soient ces découvertes, je les place bien au-dessous du vinaigre de polype. Ce vinaigre serait une véritable conquête pour l’économie domestique, et l’on doit regretter que M. Huc n’ait pas rapporté en France l’un de ces polypes de la Mer-Jaune qu’il a possédé pendant un an, et qui lui distillait tous les jours d’excellent vinaigre.

Nan-tchang-fou compte parmi plus grandes villes de la Chine. C’est un lieu de passage pour les marchandises qui s’échangent entre le nord et le midi de l’empire; aussi le commerce y est-il très considérable. Nos missionnaires, voyant que les mandarins ne savaient point trop où les loger, avisèrent un beau bâtiment qui était « le palais des compositions littéraires. » Les principales villes renferment un établissement semblable, qui est exclusivement réservé aux cérémonies et aux exercices de la puissante corporation des lettrés. MM. Huc et Gabet se firent conduire directement à ce palais, où ils se trouvèrent si bien installés, qu’ils ne voulurent absolument pas le quitter malgré le scandale que cette prise de possession, tout à fait contraire aux rites, devait exciter parmi les docteurs. Du reste, les mandarins se montrèrent indulgens pour cette petite irrégularité, et les missionnaires purent jouir en paix des quelques jours de halte qu’ils passèrent dans la capitale du Kiang-si, au milieu des chefs-d’œuvre de l’industrie chinoise. C’est en effet dans cette province que sont situées les grandes fabriques de porcelaine qui approvisionnent tout l’empire. La ville de King-te-tching, à l’est du lac Poyang, renferme au moins cinq cents fabriques et une population de plus d’un million d’âmes, qui est employée presque tout entière à la fabrication et au commerce de la porcelaine. Après cette industrie, que l’on peut considérer comme l’une des gloires de la Chine, il est juste de mentionner les succès obtenus par la pisciculture dans les étangs de Kiang-si. M. Huc lui consacre une page très instructive, qui sera lue avec plaisir par nos pisciculteurs de France. « Vers le commencement du printemps, un grand nombre de marchands de frai, venus, dit-on, de la province de Canton, parcourent les campagnes pour vendre leurs précieuses semences aux propriétaires des étangs. Leur marchandise, renfermée dans des tonneaux qu’ils traînent sur des brouettes, est tout simplement une sorte de liquide épais, jaunâtre, assez semblable à de la vase. Il est impossible d’y distinguer à l’œil nu le moindre animalcule. Pour quelques sapèques, on achète plein une écuelle de cette eau bourbeuse, qui suffit pour ensemencer, selon l’expression du pays, un étang assez considérable. On se contente de jeter cette vase dans l’eau, et en quelques jours les poissons éclosent à foison. Quand ils sont devenus un peu gros, on les nourrit en jetant sur la surface des viviers des herbes tendres et hachées menu.