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deux prêtres catholiques, M. Clet en 1822 et M. Perboyre en 1838, reçurent le martyre. Le Hou-pé et sa capitale devaient donc figurer parmi les étapes les plus pénibles dans le voyage de nos missionnaires.

Avant de quitter Han-yang, M. Huc avait commis une faiblesse. Les mandarins de la ville ne lui ayant pas fait servir un repas convenable, il s’était oublié au point de commander son dîner au restaurant et de le payer. Imprudence fatale ! car il perdait d’un seul coup le fruit des victoires qu’il avait jusqu’alors remportées avec tant de peine contre le mauvais vouloir ou l’apathie des mandarins. Au lieu de parler haut et ferme, suivant son habitude, il avait cédé ; — il avait payé ! Aussi le gouverneur du Hou-pé daigna-t-il à peine s’occuper des deux voyageurs lors de leur entrée à Ou-tchang-fou. On leur donna pour logis une petite cellule de pagode, où ils se trouvèrent fort mal. Il n’y avait plus à hésiter : il fallait revenir, sans le moindre retard, à la pratique vigoureuse de l’ancien système, pousser droit aux mandarins, et dicter sans miséricorde les conditions de la paix. MM. Huc et Gabet montèrent donc dans leurs palanquins, se rendirent directement au palais, forcèrent les portes au mépris de la consigne et des rites, et demandèrent à parler au gouverneur. Grande rumeur dans tout le palais : mais enfin le mandarin, après avoir vainement tenté divers faux-fuyans, se vit obligé de donner audience à ces visiteurs incommodes, et, à la suite d’une conversation très vive, les voyageurs obtinrent d’être immédiatement transférés dans un beau temple bouddhique, entouré de cours et jardins, orné de belles terrasses et garni de nombreux domestiques. La faute d’Han-yang était largement réparée, et les missionnaires avaient reconquis aux yeux des mandarins tout le prestige de leur mauvaise réputation. Il leur était d’autant plus nécessaire de faire acte de vigueur, qu’ils allaient changer d’escorte, et il importait que les nouveaux guides fussent dès le premier jour au courant des us et coutumes de nos voyageurs.

Au sortir d’Ou-tchang-fou, les missionnaires se dirigèrent vers la province du Kiang-si. La première partie du trajet ne fut marquée par aucun incident qui mérite d’être rapporté ; il y a bien encore dans le récit de M. Huc quelques histoires d’auberges chinoises et de mandarins récalcitrans, mais le lecteur doit être maintenant blasé sur ces détails, qui finissent par devenir un peu monotones. Cependant à Hoang-meï-hien, ville frontière du Hou-pé, les voyageurs furent reçus avec une magnificence dont ils avaient perdu l’habitude depuis qu’ils avaient quitté l’hospitalière province du Sse-tchouen. Les mandarins leur rendirent les plus grands honneurs ; ils firent tirer pour eux, pendant la nuit, un splendide feu d’artifice, et leur