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avec raison parmi ses plus beaux titres de gloire la découverte d’une nouvelle espèce de riz. Les magistrats dans leurs proclamations, les poètes dans leurs vers, les philosophes dans leurs écrits, rappellent sans cesse au peuple la supériorité de l’industrie agricole sur toutes les autres industries, et il suffit de traverser le moindre district pour juger avec quel soin au versant des collines comme au fond des vallées le sol est mis en culture, et pour admirer les procédés simples et ingénieux qui répandent partout les bienfaits de l’irrigation. Cependant l’activité agricole ne résoudrait pas à elle seule le problème des subsistances dans ce vaste pays. Il faut que la navigation et le commerce distribuent entre les différentes parties du territoire et transportent souvent à des distances fort éloignées les produits du sol. Là encore éclate le génie patient et laborieux de la race chinoise. voyez partout ces jonques chargées à couler bas qui encombrent les ports, ces armées de portefaix qui manœuvrent incessamment à travers les rues étroites des villes, ces boutiques sans nombre, — boutiques fixes ou ambulantes, — où se vendent les approvisionnemens de chaque jour pour des millions de consommateurs! Si le mouvement perpétuel est quelque part, c’est en Chine qu’on le doit chercher, dans le triangle formé par les trois villes de Ou-tchang-fou, Han-yang et Han-keou. Cette dernière surtout est le centre d’énormes opérations de transit et d’entrepôt; une grande partie du commerce intérieur du Céleste-Empire passe par ses magasins. Le commerce étranger n’est pour ainsi dire qu’une goutte d’eau dans ce gouffre, où aboutissent tous les courans qui alimentent les besoins de 360 millions d’hommes. Les Européens s’exagèrent singulièrement leur importance, s’ils se figurent que l’interruption de leur trafic dans quelques ports de la côte exercerait quelque influence sur le marché intérieur. On ne s’en apercevrait seulement pas, et les factoreries de Canton et de Shang-haï pourraient crouler sans qu’il y eût le moindre ralentissement d’affaires dans les magasins de Han-keou ni sur le Yang-tse-kiang. Nous devons ainsi comprendre pourquoi la dynastie tartare a montré si peu d’empressement à favoriser l’intervention commerciale de l’Europe dans les transactions de l’empire. Le négoce intérieur suffit à l’activité des Chinois, et le gouvernement n’apercevait pas d’intérêt sérieux à modifier pour le commerce une politique qui avait si longtemps adopté pour devise l’exclusion systématique des étrangers.

La province du Hou-pé est moins étendue et surtout moins fertile que celle du Sse-tchouen; le sol est coupé de marais qui rendent le climat insalubre; la population paraît débile et chétive. Quant aux chrétiens, leur nombre ne dépasse pas quatorze mille, et ils ont à subir de fréquentes persécutions. Enfin ce fut à Ou-tchang-fou que