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pour arriver à maturité. Heureusement le degré de force de la chaleur n’est pas indispensable, et au moyen d’un nombre plus grand de jours d’une chaleur plus faible, chaque espèce arrive à maturité, comme avec un moindre nombre de jours de plus forte chaleur. L’orge étant de toutes les céréales celle qui exige la moindre somme de chaleur pour arriver à maturité, elle devra fructifier à des latitudes ingrates où le froment ne mûrirait pas. C’est ainsi que Forge est cultivée jusqu’à l’extrême Norvège septentrionale. On a construit des cartes qui montrent les limites des diverses cultures, comme aussi les limites qui pour les plantes sauvages bornent le domaine de chacune d’elles. Toutes ces déterminations sont dues originairement à M. de Humboldt, qui en a fourni le type déjà presque parfait d’après ses voyages et ses recherches de cabinet.

Venons maintenant aux maladies des plantes, si l’on peut appeler ainsi l’invasion d’un insecte qui vient pulluler sur la vigne et ses fruits, ou bien se développer sur les bulbes nutritifs de la pomme de terre. Il est évident que ce n’est point là une maladie proprement dite. À ce compte, l’homme, qui dévore une énorme quantité de raisins et de pommes de terre, serait pour ces deux productions une maladie pire que celles qui affligent la vigne et la plante de Parmentier. D’où vient pourtant l’invasion récente de ces insectes sur ces deux produits nutritifs ? C’est évidemment que par une culture outrée en engrais on a essayé de faire rendre à ces deux plantes une quantité de produits supérieure à celle qu’elles donnaient précédemment dans des conditions de croissance plus saines pour elles, et par suite plus durables. Maintenant l’influence appelée maladie des pommes de terre cessera lorsqu’elle aura détruit tous les plants susceptibles de contracter cette disposition morbide. Alors les plants et les espèces de pommes de terre qui subsisteront seront ceux dont la constitution ne peut être influencée par la cause qui ruine les autres espèces. C’est ainsi qu’à part les influences météorologiques, les épidémies déciment l’humanité. Nous ne sommes pas les descendans de ceux qui ont été atteints par ces fléaux successifs, mais bien de ceux dont la constitution n’était pas apte à les subir. Un grand nombre des maladies des anciens et du moyen âge ont complètement disparu, et si quelques-unes de ces épidémies reparaissent de siècle en siècle, c’est que le développement des êtres a reproduit dans la population quelques-unes des organisations détruites par les épidémies précédentes, lesquelles organisations se sont trouvées par suite attaquables par les causes morbides, contagieuses ou non, qui n’ont pas cessé d’exister. On peut concevoir que la vigne, cultivée autrefois dans un terrain sec et non fumé, devait avoir son bois et ses fruits plus secs, plus robustes, moins attaquables par les insectes parasites que dans les circonstances actuelles, tout à fait différentes. De même les bulbes féculisans de la pomme de terre, poussés par la culture à des dimensions exagérées, ont dû être accessibles à des développemens morbides que ne comportait pas le développement normal de la plante. Si le blé a échappé jusqu’ici à ces fâcheuses influences, c’est que cette plante est depuis si longtemps cultivée dans la vue d’un maximum de rendement, qu’elle a sans doute déjà subi toutes les maladies possibles que comporte son organisme. Une