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par une transpiration insensible. Ainsi, sur onze demi-kilogrammes que mangerait ou boirait un homme dans un jour, il y aurait quatre kilogrammes qui seraient employés à fournir à cette transpiration. Aussi, dès que cette fonction vitale si importante est lésée, comme dans le cas de ce qu’on appelle vulgairement un refroidissement, les symptômes les plus alarmans se manifestent tout de suite. Or dans un air trop humide l’exhalation est entravée par la présence d’une trop grande quantité d’eau déjà existante dans l’air, et si l’air est au contraire trop sec, il dessèche les poumons et trouble l’économie ordinaire de l’organisation. C’est ce qu’éprouvent ceux qui s’élèvent à de grandes hauteurs sur les montagnes ou dans des aérostats, et tel est aussi l’effet du vent du désert appelé simoun, dont la sécheresse est extrême. Sous ce point de vue, le climat de la France comparé à celui de l’Angleterre est beaucoup plus salubre, car tandis qu’en Angleterre l’humidité est très grande au point que le bois ne s’y conserve que sous une couche de vernis, en France, ou du moins à Paris, l’air contient en moyenne à peu près la moitié de l’humidité qu’il pourrait contenir au maximum, étant tout juste intermédiaire entre la sécheresse absolue et l’humidité extrême.

Tout le monde sait que les personnes atteintes de maladies de poitrine ont besoin d’un air chaud et humide. La sécheresse de l’air leur est mortelle, et souvent même on place leur lit dans les étables. En général cependant on peut dire que les habitations et les climats trop humides sont malsains, et les Anglais, qui quittent leur île pour le séjour de Montpellier, de Porto ou de Madère, éprouvent un soulagement immédiat dans les cas de rhumatisme, d’humeurs froides, de cachexie sérieuse, et de toutes les maladies auxquelles l’humidité est nuisible. C’est une des parties les moins avancées de la météorologie que celle qui a pour objet l’étude des influences de l’atmosphère sur l’homme en santé et en maladie. Quelque jour, l’hygiène météorologique sera l’une des branches les plus cultivées comme les plus utiles des sciences de l’organisation vitale. Remarquons que lorsqu’une science s’appuie sur deux autres, ses progrès sont bien plus lents que pour des connaissances plus simples ; car, pour les faire avancer, il faut qu’il se trouve un homme également supérieur dans les deux sciences. Au reste, quand la simple logique n’attribuerait pas une extrême importance à l’étude des influences atmosphériques, il suffirait des soins à donner à la santé publique dans l’assainissement des maisons et des rues, dans les cliniques des hôpitaux civils et militaires, pour recommander on ne peut plus sérieusement cette branche de nos connaissances expérimentales.

Je n’ai point mentionné parmi les influences météorologiques toutes celles qui agissent sur les nerfs, ces instrumens de sensibilité qui trop souvent deviennent des instrumens de souffrance. Il est incroyable jusqu’à quel degré de perception délicate peuvent arriver ces organes, même dans les organisations vigoureuses. Que l’on compare les sensations d’une personne qui part pour la promenade par un beau temps égayé de soleil, ou par un temps triste et froid d’automne, ou encore par un de ces jours de printemps où le vent d’est rend le soleil lui-même malsain par des alternatives agaçantes de chaud et de froid également pénibles pour les, personnes nerveuses.