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nous ne verrons que les détails, mais point du tout l’ensemble des opérations de la nature, et de là résultera l’impossibilité complète de rien prévoir de ce qui pourrait être si éminemment utile à la santé, à l’industrie agricole et à mille intérêts de nos sociétés modernes, si compliquées dans leurs besoins et dans leurs échanges.

Après avoir fait remarquer que la constitution pluvieuse qui a dominé plusieurs mois dans le nord de la France ne s’est pas fait sentir au même degré dans le midi, et notamment dans le bassin de la Gironde et de l’Aude, je dirai que le caractère remarquable de cette année 1854 a été un calme très grand. Dans aucune autre année, le vent n’a été aussi faible, et par suite la constitution atmosphérique n’a point été fortement prononcée. Cette année semble une année de transition entre un système de courans atmosphériques dirigés d’une certaine manière et un système subséquent avec des courans autrement dirigés que par le passé et d’une intensité plus grande. Les courans d’air chaud venant de l’ouest, qui d’année en année étaient remontés vers le nord, vont-ils reprendre, à travers le milieu de l’Europe, la direction qu’ils avaient il y a quelques années, et qu’en résultera-t-il pour les climats du nord dans l’ancien et le nouveau monde ? C’est ce que nous pourrions savoir si nous avions des postes météorologiques assez nombreux et assez bien pourvus d’instrumens précis distribués sur un nombre suffisant de points de notre globe, soit sur les continens, soit en pleine mer; mais nous sommes encore bien loin de posséder les données nécessaires à l’établissement de ces belles lois de la nature.

En nous restreignant donc forcément aux observations de détail en l’absence des grandes causes principales, nous rappellerons que dans notre théorie de la pluie ce sont les masses d’air humide qui, étant soulevées par une cause quelconque dans l’atmosphère, s’y dilatent, s’y refroidissent, et précipitent en pluie leur humidité primitive. Or, dans une atmosphère calme ou du moins animée par des déplacemens très lents, le moindre arrêt ou ralentissement dans le mouvement progressif des masses antérieures doit produire un excès d’épaisseur, ou si l’on veut un soulèvement partiel de ces couches, par suite un refroidissement correspondant, et ultérieurement une vraie pluie. Or c’est ce qu’on pouvait fréquemment observer dans les mois pluvieux de cette année. D’abord le calme s’établissait, ensuite commençait la pluie. Jamais le proverbe, que la pluie abat le vent, n’a été plus vérifiable. De plus, le soulèvement des masses pleuvantes et non transparentes a été rendu très sensible par la profonde obscurité qui accompagnait ces ondées si fréquentes et si abondantes en eau. Si les courans de l’air eussent été plus prononcés, il n’y aurait point eu de ces alternatives d’arrêts et de mouvemens faibles qui produisaient ces changemens d’épaisseur et par suite de hauteur des couches d’air voisines du sol. Telle est, je pense, la cause qui, jointe à la persistance d’un faible vent d’ouest, a donné naissance aux phénomènes observés.

Dans le midi de la France, le commencement de l’année a été signalé par des froids assez vifs et par une sécheresse désastreuse. M. de Gasparin, frère du membre de l’Institut, avait eu l’idée de préserver de la gelée ses oliviers