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Ils sont heureux de tes dons (les agneaux), cher enfant;
Vois leur gaité, vois leurs jeux, vois leur mère
Tourner vers toi son regard caressant!

La deuxième partie commence par une petite ouverture qui vise à la peinture des jours d’innocence et de paix, et qui n’est en réalité qu’une symphonie agreste dans le genre de celle que jouent les pifferari de Rome à la Noël; c’est tristement puéril, ce n’est nullement un effet de l’art. Le chœur des bergers qui vient après ne serait pas remarqué partout ailleurs; mais dans une œuvre aussi étrange on l’applaudit, parce qu’il contient une phrase commune, mais enfin saisissable. Le Repos de la sainte Famille, que nous avons déjà entendu à l’un des concerts de la société Sainte-Cécile, est le meilleur morceau de toute la trilogie. Cette scène se compose d’un récit dont la couleur mélodique est d’un bon sentiment, et dans lequel nous avons particulièrement remarqué la phrase toute gracieuse qui accompagne ces paroles de Marie :

Voyez ce beau tapis d’herbe douce et fleurie :
Le Seigneur pour mon fils au désert retendit.


Signalons encore dans cette même scène, car il faut être plus que juste avec les pauvres, la phrase que chante toujours le même récitant :

Les sacrés voyageurs quelque temps sommeillèrent,
Bercés par des songes heureux,


ainsi que la réponse du chœur d’anges invisibles : Alléluia ! alléluia ! Il y a dans toute cette petite scène un sentiment poétique d’un noble caractère. Quant à la troisième partie, elle dépasse tout ce que l’on peut imaginer en fait de grotesque et de galimatias. On nous avait beaucoup parlé d’un trio pour deux flûtes et harpe exécuté dans l’intérieur de la maison du père de famille par de jeunes Ismaélites. Ce morceau en effet nous a paru digne de servir d’exercice aux élèves du Conservatoire qui veulent concourir pour le prix de flûte; mais il n’a pas d’autre mérite. Si l’on cherche un beau morceau pour deux flûtes avec accompagnement de voix de soprano, qu’on aille entendre le troisième acte de l’Étoile du Nord. Si nous revenons souvent à parler de M. Berlioz, c’est qu’il est un exemple curieux du genre d’industrie qui caractérise éminemment notre époque, l’art de se faire prôner. Voilà vingt ans qu’il escompte avec son feuilleton la fiction d’une prétendue gloire musicale qui n’existe que dans une demi-douzaine de cerveaux fêlés. Toutes les fois que le vrai public a été admis à entendre quelque chose des essais bouffons de M. Berlioz, il s’est sauvé en riant aux éclats, comme on l’a vu au dernier concert.

Revenons à la musique sérieuse en signalant aux amateurs une publication extrêmement intéressante, l’œuvre de piano de Domenico Scarlatti, revue et doigtée par Zerny de Vienne. Fils d’Alexandre Scarlatti, le chef de