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Pian, pianino,
Per la porta del giardino.

C’est toujours le Pré aux Clercs et l’Étoile du Nord, entremêlés de quelques opérettes en un acte, parmi lesquels l’Épreuve villageoise, de Grétry, n’est pas celui qui a le plus vieilli. On voudrait entendre quelque chose de nouveau, ne fût-ce qu’une voix de ténor et qu’une voix de soprano bien caractérisées; l’absence de ces voix se fait vivement sentir au théâtre de l’Opéra- Comique. Quant au Théâtre-Italien, comme un vaisseau battu par des vents contraires, il oscille sur sa quille et n’avance qu’assez péniblement. Après Mathilde de Shabran, qu’on a donné trop rarement peut-être, puisque c’est le seul ouvrage que le public ait paru accueillir avec faveur, on a représenté Tre Nozze, opéra bouffe en trois actes, de M. Alary, qui ne manque pas de mérite et qui renferme plusieurs morceaux heureusement venus. On nous promet une grande fête, c’est-à-dire un opéra de M. Verdi, il Trovatore, où doit débuter un nouveau ténor, M. Beaucarde. Nous souhaitons vivement que l’opéra aussi bien que le virtuose obtiennent le succès qu’on leur promet d’avance.

Au Théâtre-Lyrique, où Mme Cabel règne et gouverne, les succès sont aussi nombreux que les étoiles du ciel. Toutefois le Bijou perdu, de M. Adam, et la Promise, de M. Clapisson, se disputent toujours la première place dans la faveur de ce public naïf et constant. Le Billet de Marguerite, de M. Gevaërt, a fait un peu diversion à l’enthousiasme contenu qu’excitent toujours les deux opéras que nous venons de citer; et puis voici un petit ouvrage en un acte, le Roman de la rose, qui n’empêchera pas M. Adam de dormir, mais qui, par cela même, est digne de fixer l’attention de la critique. Le sujet du libretto n’a rien de commun avec le fameux roman ou poème du XIVe siècle, qui est l’un des premiers monumens de la langue française. Il s’agit ici d’un pauvre jeune homme qui est devenu fou par désespoir d’amour et qui s’éprend d’affection pour une rose. Sur ce thème un peu trop élégiaque et parfois monotone, M. Prosper Pascal a composé une musique élégante qui n’a d’autres défauts que ceux de la jeunesse et de l’inexpérience de la scène. L’ouverture, conçue sur de trop grandes proportions pour un cadre aussi modeste, renferme quelques détails heureux, qui auraient beaucoup gagné à être resserrés sur une idée-mère plus saillante. Le premier duo pour basse et soprano, entre le jardinier et la soubrette, est fort joli, très-bien coupé, mais un peu long; le duo pour deux voix de femmes qui vient après est tout à fait charmant, c’est un délicieux madrigal tout imprégné de la fraîcheur et de la senteur des bois, et Mme Meillet le chante avec goût; .les couplets pauvres amoureux, de la baronne, sont bien venus, mais semblent aussi un peu longs, parce que la mélodie ne tranche pas assez avec les morceaux précédens. Le quatuor pour basse et trois voix de femmes était fort difficile à bien traiter, et le jeune compositeur s’en est tiré à son honneur; mais nous reprocherons à ce morceau, comme à presque tous les autres, de trop prolonger une situation pénible et de ne point varier