Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 8.djvu/1248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

actif et obscur de l’existence familière et domestique. Et s’il se trouve quelque rare esprit pour ressaisir cette pure et immortelle essence des choses en l’enveloppant d’une forme rajeunie, notre siècle dans sa vieillesse, notre siècle lui-même, indifférent et blasé, cédera encore à ce charme d’une grande et originale inspiration. Le difficile est d’atteindre à ce degré où la poésie véritable se révèle. Dans cette foule de poètes de tous les temps, combien d’essais inconnus se sont produits ! combien peu survivent ! Il ne reste que l’inspiration vraie, l’expression heureuse et accomplie d’un sentiment ou d’une pensée réellement poétique. De tous les genres littéraires, la poésie est celui où la médiocrité compte le moins. Ce n’est pas un motif cependant pour ne point observer sans cesse toutes ces bonnes volontés qui cherchent parmi nous la poésie sous toutes ses formes, qui multiplient leurs essais, imitant souvent, répétant ce que d’autres ont dit, se perdant dans bien des puérilités d’imagination et parfois aussi trouvant un accent vrai et sincère. Dans ses Prières et Souvenirs, M. Octave Ducros se montre fidèle à une inspiration religieuse qui se répand dans toutes les pages et donne à ses vers une certaine élévation épurée. Le chrétien se retrouve dans le poète, soit dans les strophes qu’il adresse à la Jeunesse, soit dans les fragmens sur une Vallée des Alpes, sur une Avalanche, sur la Solitude. La poésie de ces morceaux a de l’abondance et de la couleur sans atteindre au dernier degré de l’originalité. M. Octave Ducros ne s’est point arrêté là ; il a mis la Messe en vers, et là est son erreur de penser que dans la messe ou dans la communion spirituelle il y a le thème d’un développement poétique. Il ne suffit pas en effet de paraphraser la collecte, l’épître et l’offertoire. — L’auteur d’un Mois au Presbytère n’est point un novice en poésie ; M. N. Martin est l’auteur de plus d’un fragment gracieux, il s’est heureusement inspiré souvent des poètes de l’Allemagne. Le sujet semblait promettre ici. Un mois au presbytère ! que de peintures trouvaient leur place dans ce cadre simple et à demi rustique ! Seulement le sujet promet plus qu’il ne tient ; l’auteur raconte en vers plus faciles que poétiques les tribulations de la servante du presbytère et les embarras du pauvre curé bouleversant sa maison pour recevoir dignement sa mère, — la veuve d’un procureur du roi ! Et c’est ainsi que M. N. Martin se perd en des détails puérils, au lieu de tracer ces tableaux d’une poésie vraie et simple, dont il éveillait la pensée par le titre de son petit récit.

Cette poésie vraie, simple, domestique, réelle, telle que l’imagination de Cowper l’a créée en Angleterre, telle qu’elle a été essayée en France, cette poésie a certainement de quoi tenter plus d’un esprit bien inspiré ; elle peut ouvrir encore à l’imagination des voies inexplorées. Un poète nouveau, M. Charles Des Guerrois, s’est dévoué tout entier à cette inspiration intime et réelle, et il l’a développée dans plusieurs ouvrages, — Sous le Buisson, les Paysages de Champagne, — auxquels vient même se joindre un recueil de prose qu’il appelle les Pensées de l’art et de la vie. Dans le premier de ces livres, selon l’auteur, c’est l’expression de la vérité du cœur au point de vue des sentimens personnels ; dans le second, c’est la vérité de la nature ; dans les Pensées, c’est la vérité morale. Ainsi la vérité se révélerait sous un triple aspect, et cela certes suffirait à la gloire d’un homme ! Les vers de M. Des