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empressement des plus belles œuvres du génie païen. Les faunes, les satyres et les nymphes de Saint-Paul attestent chez l’auteur un commerce familier, un commerce assidu avec les monumens les plus sévères, avec les débris les plus précieux qui ornent aujourd’hui les musées d’Europe. Ce qui caractérise particulièrement les fresques de Saint-Paul, ce qui leur assigne une place à part dans l’histoire de la peinture, c’est leur extrême simplicité, et c’est par là surtout qu’elles se rattachent au génie d’Athènes. Le Corrège a prouvé mainte fois la puissance et la variété de son imagination. Je ne crois pas qu’il ait jamais concilié d’une manière plus heureuse l’élégance et l’érudition, car il ne faut pas hésiter à le ranger parmi les peintres érudits. Quand on prend la peine d’analyser ces compositions, on s’étonne à bon droit du petit nombre d’élémens qui s’y trouvent réunis : elles sont faites à peu de frais, avec si peu de chose, qu’on les dirait improvisées; mais cette première pensée s’évanouit bientôt. Pour agir ainsi sur l’imagination du spectateur, il est hors de doute que le Corrège a réfléchi longtemps et n’a rien livré au hasard. J’ai dit que ces scènes rappellent le style des pierres gravées; il est impossible en effet de se dérober à ce souvenir, mais dans ces gracieuses idylles tracées par le pinceau d’un maître ingénieux, l’imitation de l’antiquité n’a jamais rien de servile. On reconnaît partout l’interprétation libre et hardie des plus admirables modèles. On voit que le Corrège, malgré la nécessité qui le confinait dans sa terre natale, s’était nourri de l’antiquité, et lui demandait des inspirations sans jamais la copier. C’est de fait la seule manière de mettre à profit la tradition. Il ne transcrit pas ses souvenirs, il les interroge, et les transforme après les avoir interrogés. L’étude attentive du réfectoire de Saint-Paul suffirait à démontrer les immenses avantages de l’éducation littéraire pour la pratique de la peinture. Un artiste obligé de recourir à l’érudition d’un lettré n’eût jamais imaginé la Chasse de Diane. Son pinceau eût vainement cherché les faunes et les nymphes qui nous ravissent et nous étonnent. Pour inventer avec une telle liberté, il est indispensable de travailler sur son propre fonds. Jamais les conseils les plus éclairés, les renseignemens les plus précis recueillis dans la conversation des érudits les plus consommés ne pourront remplacer l’étude directe et personnelle de l’antiquité. Le réfectoire de Saint-Paul offre l’union constante de la vérité la plus savante avec la beauté la plus exquise, et cette union ne se rencontre que dans les œuvres spontanées, c’est-à-dire conçues par un esprit armé de toutes pièces.

De toutes les peintures murales d’Antonio Allegri, la coupole de San-Giovanni est peut-être celle qui permet de juger le mieux l’étendue et la souplesse de son talent. Le sujet principal, L’Ascension du