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humbles fonctions les soutiennent, et ce qu’ils font vient en aide à ce qu’ils pensent. Il n’y a point de résignation sans occupation, et la patience du cœur a besoin de l’activité de l’esprit ou des mains ; Quand vous souffrez, priez et agissez. Ceux qui souffrent ont beau invoquer Dieu ; s’ils n’agissent pas, ils arriveront promptement à l’aigreur et au désespoir, et ils perdront par l’oisiveté ce qu’ils auront gagné par la prière.

Il y a donc dans Jocelyn et dans le vicaire savoyard un philosophe qui médite et un prêtre qui remplit les fonctions de son ministère, l’un soutient l’autre ; mais n’allons pas nous imaginer que les méditations du vicaire savoyard soient des méditations profanes, et que sa profession de foi soit une révélation mystérieuse. Le caractère de la profession de foi est d’être un lieu-commun sublime ; rien de nouveau, rien de singulier, rien qui s’éloigne des vérités que l’homme a de tout temps accueillies comme sa consolation ici-bas. Faut-il énumérer quelques-uns de ces grands lieux-communs qui servent de rendez-vous à tous les esprits et à toutes les âmes qui ne se sont pas corrompues volontairement par le sophisme, — l’existence de Dieu, — l’immortalité de l’âme, et par conséquent son immatérialité, — la puissance de l’esprit sur le corps, — nos passions maîtrisées par la raison, et souvent aussi la maîtrisant, — l’homme esclave par ses vices et libre par ses remords, — l’espoir en la justice divine et en un monde meilleur naissant de la vue même de l’injustice qui règne parmi les hommes, — la conscience enfin, « cet instinct divin, immortelle et céleste voix, guide assuré que Dieu nous a donné pour nous avertir du chemin et pour redresser nos pas, » la conscience, que Rousseau célèbre comme notre lumière divine, et dont il fait presque ce que les théologiens font de la grâce ? a Ge n’est pas assez en effet, dit Rousseau, que ce guide existe ; il faut savoir le reconnaître et le suivre… La conscience se rebute à force d’être éconduite ; elle ne nous parle ? Plus, elle ne nous répond plus, et après de si longs mépris pour elle, il en coûte autant de la rappeler qu’il en coûta de la bannir. » Qui ne reconnaît ici ce que Corneille dit de la grâce dans Polyeucte ?

.......... La grâce
Ne descend pas toujours avec même efficace ;
Après certains momens que perdent nos langueurs.
Elle quitte ces traits qui pénètrent les cœurs ;
Le nôtre s’endurcit, la repousse, l’égaré :
Le bras qui la versait en devient plus avare,
Et cette sainte ardeur qui doit porter au bien
Tombe plus rarement ou n’opère plus rien.

Conformer sa volonté aux inspirations de la, conscience ou de la grâce, voilà le véritable but de la vie humaine, et voilà en même